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Percer le mystère Joel Armia est un défi de développement unique pour le Canadien

MONTREAL, CANADA - APRIL 06:  Joel Armia #40 of the Montreal Canadiens celebrates a short-handed goal with teammate Mike Matheson #8 during the second period against the Washington Capitals at Centre Bell on April 6, 2023 in Montreal, Quebec, Canada.  (Photo by Minas Panagiotakis/Getty Images)
By Marc Antoine Godin
Apr 7, 2023

Deux ou trois fois par année, Joel Armia vous sort de ces matchs qui vous font dire « s’il pouvait être comme ça plus souvent ». Des matchs où il est en état de grâce, où il est le meilleur joueur sur la glace, où la virtuosité de ses mains s’aligne avec ce que sa tête lui dit, et où tout lui semble facile.

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Ces matchs surviennent parfois à l’intérieur d’une séquence d’une ou deux semaines où il semble prendre une vitesse de croisière intéressante. Puis tout à coup, quand ce n’est pas une blessure qui freine son élan, Armia  retombe par lui-même dans une longue torpeur, nous laissant languir par rapport à ce qu’il pourrait être. Ou à ce qu’il aurait pu être.

Avec le temps, selon le niveau de tolérance de chacun, les gens démissionnent sur son cas les uns après les autres. Après tout, ç’a toujours été la même chose avec Armia, et il n’y a aucune raison de penser que les choses pourraient se passer autrement.

Pourtant, il y a une petite lueur d’espoir qui refuse de s’éteindre avec Armia. Elle ne brûle pas toujours très fort, mais elle est là.

Ce n’est pas qu’Armia n’a pas le talent pour être le joueur dominant qu’il a été dans le cadre de son tour du chapeau face aux Capitals de Washington, jeudi. Le talent est là. Ce n’est pas non plus qu’il s’en fiche, ou qu’il n’a pas le cœur à la bonne place. Et ce n’est certainement pas un manque de travail non plus.

Dans son cas, peut-être plus que pour n’importe quel joueur du Canadien, la confiance est une épée de Damoclès continuelle au-dessus de sa tête.

« J’ai l’impression que trop souvent, je suis mon pire ennemi, a reconnu le timide Finlandais. Je suis trop dur envers moi-même. Je dois apprendre à jouer de manière plus détendue. Je pense que c’est la grosse affaire. »

On a beaucoup parlé de développement cette saison chez le Canadien. De développer les jeunes joueurs ou de développer le QI hockey de certains vétérans afin qu’ils élargissent leur palette pour continuer à s’améliorer.

Mais Armia constitue un défi à peu près unique en matière de développement pour le Canadien, car c’est surtout un travail psychologique qui doit être fait avec lui pour arriver à trouver la combinaison du coffre-fort, et ainsi accéder à des richesses qu’on ne voit que sporadiquement jusqu’à maintenant.

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Le Canadien a embauché cette saison le psychologue de performance Jean-François Ménard, et Armia doit sûrement être l’un de ses dossiers les plus complexes. L’ailier de 29 ans confie avoir travaillé cette saison avec Ménard sur cet aspect précis, et cela faisait longtemps qu’il savait qu’il devait s’y attaquer.

L’une des bases de leurs échanges peut paraître bien banale, mais elle sert de mantra à Armia.

« Aussi simple que cela puisse paraître, tu ne peux pas jouer un match parfait à chaque fois, même si des fois c’est ce que je veux, a dit Armia. C’est de comprendre que tout le monde fait des erreurs. »

Il ne manque pas grand-chose à Armia en tant que joueur de hockey. Il manque juste les clés.

« Chez n’importe quel athlète dans n’importe quel sport, il n’y a pas que les habiletés, il y a un niveau mental et une question de confiance, a mentionné l’entraîneur-chef Martin St-Louis. Il y a de moins bons joueurs qui ont beaucoup de confiance et il y a de très bons joueurs qui ont une confiance fragile.

« C’est d’essayer de l’aider. Je pense qu’on l’encadre bien – tu parles de J-F (Ménard)… – et on a des conversations. »

Armia n’a pas toujours besoin de marquer des buts pour connaître un bon match. Les résultats l’aident à se mettre dans de bonnes dispositions et à chasser le négatif, c’est certain, mais les buts sont bien souvent le symptôme d’actions précédentes dont il est satisfait. Des batailles à 1-contre-1 qu’il a remporté. Des chances de marquer qu’il a créé pour ses coéquipiers. Compléter des jeux et dégainer de puissants lancers – il a battu Darcy Kuemper autant avec un tir des poignets dévastateur qu’avec un très bon lancer frappé – n’est pas vraiment le problème. C’est souvent de se sentir assez bien mentalement pour se retrouver à la bonne place au bon moment.

« Quand il a ses touches aux bonnes places, il est dangereux », a observé St-Louis.

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Armia a indiqué qu’il ne cherchait pas nécessairement un moment ou une action, tôt dans la rencontre, pour l’aider à lui donner un élan mentalement. Il préfère y aller présence par présence et voir ce que la partie lui réserve.

Mais s’il commet une erreur ? Cette erreur-là est-elle susceptible de plomber le reste de son match?

« Oui c’est sûr, a-t-il répondu. Parfois, oui. »

Eh ben voilà. Armia fait partie de ces joueurs qui s’est fait donner un coffre à outils nec plus ultra, mais qui parfois se décourage de l’ouvrir et de l’utiliser. Il se cogne la tête en disant qu’il aurait dû faire ci, qu’il n’aurait pas dû faire ça, et le match se termine sans qu’il ait pu résoudre quoi que ce soit parce qu’il a été trop dur envers lui-même.

« J’ai toujours été comme ça, dit-il. Je sais que c’est quelque chose sur quoi je dois m’améliorer. »

Durant les séries de 2021, Armia avait participé à ce grand manège qu’était devenu le quatrième trio du Canadien. L’unité qu’il formait avec Eric Staal et Corey Perry avait une identité différente des autres trios, et même différente de la façon traditionnelle de jouer du Canadien. Ils étaient trois gros attaquants qui monopolisaient le temps en zone adverse, sans nécessairement marquer très souvent, mais en créant un mouvement circulaire qui travaillait l’adversaire au corps sans relâche. Leur médecine s’était avéré très payante pour le Tricolore.

Quelques mois plus tard, Staal et Perry avaient quitté l’organisation, mais Armia avait été récompensé avec un généreux contrat de quatre ans sans avoir la moindre chance, compte tenu des effectifs que l’équipe avait désormais sous la main, de recréer ce genre de hockey dans lequel il s’était senti si confortable.

L’année suivante a été terrible, selon ses propres dires, et il a fallu l’arrivée de Martin St-Louis pour qu’il retrouve graduellement le plaisir de jouer.

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Quant à cette saison, les blessures l’ont constamment placé en mode arrêts/départs, si bien qu’il n’aura pas disputé plus de 19 matchs consécutifs. Il a entre autres été absent pendant un mois pour ce que l’équipe a défini comme une infection respiratoire, mais Armia nous a fait comprendre très clairement qu’il ne souhaitait pas commenter cet épisode.

L’année prochaine, il empochera 4,8 millions $. Jamais autant d’argent ne sera entré dans son compte de banque en l’espace d’une saison. C’est beaucoup d’argent pour un joueur qui joue sur le quatrième trio lorsque la confiance n’y est pas.

Mais si on le compare à Mike Hoffman, par exemple, dont le contrat peut également paraître encombrant sur la structure salariale du Canadien, Armia a au moins cet avantage de pouvoir mener à bien diverses petites tâches lorsqu’il ne produit pas en attaque. Il n’a pas besoin de compter pour être utile. C’est une consolation assez coûteuse, on en convient, et une consolation qui n’est probablement pas suffisante pour le rendre attrayant aux yeux des autres équipes. Mais tant qu’à l’avoir, le Canadien n’a pas le choix de travailler à l’aider à maintenir une confiance élevée.

Personne ne pourra le faire à la place d’Armia lui-même, sans compter qu’il est inutile de dire à quelqu’un « aies confiance ». Cela dit, St-Louis croit qu’il est possible pour des joueurs plus âgés de trouver une solution à cela plus tard dans leur carrière.

Le Canadien a eu jadis un joueur prometteur en Christopher Higgins qui était si dur envers lui-même que cela a torpillé son potentiel et la carrière qu’il aurait pu avoir. Mais à l’inverse, la courbe d’apprentissage de Mike Matheson au plan mental, entre ses dernières saisons en Floride et le type de hockey souvent dominant qu’on voit de sa part cette année à Montréal, est peut-être un bon exemple à suivre.

Chaque situation est différente, a rappelé St-Louis, et nécessite une compréhension spécifique de ce que vit chaque joueur.

« Ça fait plus d’un an que je suis avec Army et je suis dans une meilleure place aujourd’hui pour l’aider que je l’étais il y a un an, et on a un meilleur encadrement pour l’aider », a assuré l’entraîneur.

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Si jamais ce cas unique de développement devait fournir des dividendes sur le tard – et contre toute attente, oserait-on ajouter – le Canadien se retrouverait avec un joueur capable de faire à peu près tout : capable d’être dominant physiquement, de pouvoir tabler sur ses habiletés, de contribuer efficacement aux deux unités spéciales, et d’aider les besoins de l’équipe sur à peu près n’importe quel trio.

Quand des soirées magiques comme celles-ci se produisent, l’équipe doit sentir un désir renouvelé de s’essayer à trouver les combinaisons qui débarreront tout ce potentiel.

Ce sera un projet à poursuivre l’an prochain.

Pour l’instant, cela reste un match.

(Photo: Minas Panagiotakis/Getty Images)

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