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Tracteur Rétro histoireTracteur LTB : un row crop à la française

Tracteur LTB : un row crop à la française

Dans l'immédiat après-guerre, la France dévastée et pillée manque de tout. La situation du machinisme agricole est préoccupante. Les usines sont pour la plupart sinistrées. En raison du manque de matières premières et de machines-outils en bon état, la remise en route est difficile. Les surplus de l’armée sont salvateurs. Le LTB en est la preuve. Texte et photos Patrick Negro

A la sortie de la seconde guerre mondiale, les surplus de l'armée américaine ont l'avantage d'être abondants et de qualité. Cette disponibilité permet à des petits constructeurs de produire leurs fabrications avec des composants fiables. Une petite firme champenoise, LTB, pour « La Technique Ballu », se lance alors dans la construction d’un tracteur. Le LTB a vraiment une allure curieuse :  toute la partie motrice et le poste de conduite sont à l'arrière. A l'avant, le châssis se termine par un nez fin et long, comportant un contrepoids à l'extrémité. La motricité provient d'un moteur de Jeep, l'increvable Go Devil, un 4-cylindres à soupapes latérales de 60 ch à 3 600 tr/min, mais dont la puissance sera abaissée pour l'usage agricole. À cette fin, un carburateur plus petit est installé et un jeu plus important est donné aux soupapes.

La robustesse du moteur Willys Go Devil est légendaire. Au premier plan, la batterie a été posée sur un support extérieur. Initialement disposée dans la poutre avant, elle était difficile d'accès.

En cas de défaillance du démarreur il est possible de lancer le moteur à la manivelle.

Le moteur est associé à une boîte de vitesses à trois rapports ainsi qu’à une boîte relais à deux rapports courts provenant de la Jeep, qui lui permettent de « grimper aux arbres ». Le pont arrière, également d'origine américaine, est le pont médian d'un camion GMC. Le train avant comporte deux roues de Jeep très rapprochées, ce qui confère au tracteur, une allure de row crop. Une particularité du LTB réside dans son système d'attelage en avant de l'axe de l'essieu arrière, ce qui, en cas d'effort, augmente l'adhérence des roues motrices. Cet effet se trouve accentué par le bras de levier de la poutre avant et son contrepoids. La force exercée par le contrepoids avant a aussi pour effet de neutraliser le risque de cabrage.

 

Le tableau de bord est réduit à sa plus simple expression.

Les organes de motorisation et de transformation ne sont pas les seuls d'origine américaine. Le volant, le boîtier de direction proviennent de la Jeep, tout comme les éléments du tableau de bord. Quant aux pédales d’accélérateur, de freins et d'embrayage, elles sont taillées dans des morceaux de châssis de GMC.

 

La poutre avant qui surplombe le pivot de direction a été fabriquée à partir de morceaux de châssis de GMC soudés.

A cette époque, il était très difficile de se procurer de l'acier et de la tôle. Sans puissance industrielle ou « relations politiques », trouver une entreprise d'emboutissage pour produire des pièces était également impossible. Là encore, c'est aux GMC et au système D qu'il fallait faire appel. La poutre avant du LTB est constituée des morceaux de châssis du célèbre camion savamment coupés et soudés. Les roues arrière sont de fabrication spécifique. Seules les jantes proviennent d'un GMC. Le capot et l'embryon de carrosserie sont fabriqués par LTB.

Gros plan sur l'une des roues motrices de fabrication spécifique. Seule la jante provient d'un GMC.

Ce tracteur atypique, dont les photos illustrent cet article, a été donné au musée de la Bertauge (Marne) dans le courant des années soixante-dix. Malgré son abandon pendant des décennies, il n'a pas trop subi les outrages du temps. Il est complet et non grippé. Son moteur est d'origine, hormis le carburateur qui provient d'une Peugeot 404.
La restauration a débuté par un nettoyage complet, avant une vidange de l’huile moteur et le remplacement du carter rongé par la rouille. La révision de l’allumeur s’est accompagnée du remplacement à neuf du rupteur et du condensateur. Ont suivi les révisions du démarreur, de la dynamo et de la pompe à essence. La pompe à eau corrodée a été remplacée. Quant au réservoir d'essence, il s’est vu protégé par un traitement Restom. Tout le circuit de freinage a également été refait à neuf : changement du maître-cylindre et des cylindres récepteurs, regarnissage des segments de freins et remplacement des flexibles. La réparation s’est poursuivie par la monte de pneus neufs à l'arrière et la pose d'un carburateur Solex pour usage agricole. La seule modification concerne la pose d'un support de batterie extérieur. En effet, à l'origine, le support de batterie se trouvait dans la poutre avant, derrière les roues. Pour remplacer la batterie il fallait donc démonter une roue, ce qui n'était vraiment pas très pratique. Les phares ont été rénovés et le tableau de bord révisé. Enfin, l’équipe de la Bertauge s’est investie dans les classiques travaux de tôlerie et de peinture.

La plaque du constructeur nous apprend que ce LTB est le cinquième exemplaire fabriqué.

Environ 150 tracteurs LTB auraient été fabriqués. De nos jours, seulement cinq sont recensés. LTB est une société fondée par les frères Louis et Tony Ballu, établie à Faverolles-Coëmy en 1948. La fabrication du LTB commence la même année. Sa première apparition publique s’est déroulée lors de à l'exposition internationale de la motoculture à Brie-Comte-Robert, sous l'appellation La Technique Ballu. Tony Ballu est né à Paris en 1881. Ce parisien va devenir un de nos plus grands spécialistes de l'agriculture. Il était ingénieur agronome, professeur titulaire de la chaire de machinisme agricole à l'INA, directeur de la station d'essai de machine au ministère de l'agriculture, président de l'Académie d'agriculture de France. Il fut aussi à l'origine du CNEEMA (Centre National d'Étude et d'Expérimentation du machinisme Agricole). Tony Ballu est également un écrivain technique prolifique, auteur de nombreux livres : Machines agricoles, La motoculture et ses applications pratiques, La traction mécanique en agriculture, Le machinisme agricole, La fenaison par les procédés modernes, l'arrachage mécanique des betteraves, Les carburants et combustibles de remplacement, etc. La liste n'est pas exhaustive !  Il nous a quittés en 1959 à l'âge de 78 ans.

Ce tracteur LTB appartient au Musée rural et artisanal de la Bertauge, qui se trouve à Somme-Vesle, entre Châlons-en-Champagne et Sainte-Ménéhould. « Bertauge » provient du patois champenois et désigne une charrue rudimentaire apparue dans la région vers 1720, fabriquée entièrement en bois et tirée par deux chevaux. Le musée abrite des tracteurs, moteurs fixes, engins à vapeur et gazogènes, outillages divers, dioramas...

Musée rural et artisanal de la Bertauge ; Complexe du lycée agricole. RD3 51460 Somme Vesle. Tél. 03 26 66 64 97. www.musee-rural.com

 

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