[go: up one dir, main page]

Sillon d'histoire Tracteur Rétro Citroën : un double chevron novateur

Citroën : un double chevron novateur

Industriel audacieux débordant d’idées, André Citroën pose les bases d’un empire industriel automobile en 1919. En marge de la voiture dont il fera son cheval de bataille, il propose, au cours de cette même année 1919, un tracteur agricole vigneron ultra compact, le type A. Si la piste agricole n’a pas été retenue comme axe principal du constructeur, les véhicules utilitaires estampillés du double chevron ont accompagné la vie rurale durant plusieurs décennies… Texte : Guillaume Waegemacker Photos et archives : Guillaume Waegemacker, Claude Brard, Christian Bedeï

Homme d’affaires et d’industrie, André Citroën n’est pas un inconnu dans le monde de l’automobile. Il a en effet dirigé et redressé la firme Mors à partir de 1908. Par la suite, il s’investit dans la fabrication d’armement, la guerre 1914/1918 offrant un appel à cette production. Dans ce contexte, Citroën pense à l’aventure industrielle qui suivra. Au terme de quelques hésitations, il s’investit dans l’industrie automobile qui ne lui est pas inconnue. Fin stratège, il perçoit un certain modèle économique dans le Fordisme. Il songe à l’étude d’une voiture 10 HP qui soit à la fois moderne, robuste, économique et surtout bon marché. Il confie la direction de cette étude à Jules Salomon, un homme bien connu de la sphère automobile de l’époque pour avoir conçu une voiture ultra populaire, la Le Zèbre. La 10 HP Citroën -qui sera baptisée Type A un petit peu plus tard- est présentée dans la presse en avril 1919. Au cours de cette même année, Citroën met sur le marché un tracteur agricole de 12 ch, dont la mécanique est dérivée de la 10 HP. Sur le prospectus publicitaire qui lui est consacré, il est baptisé « Tracteur Agricole André Citroën ». Témoignant d’une grande agilité, ce petit tracteur aurait été produit à 500 exemplaires sur deux années de fabrication.

Fabriqué à 500 exemplaires sur deux années de production, le tracteur vigneron Citroën Type A constitue aujourd’hui une pièce rare. Cet exemplaire est exposé au conservatoire rural de Gascogne, basé à Casteljaloux, dans le Lot-et-Garonne.

Par la suite, l’activité agricole du constructeur au double chevron semble avoir été mise en sommeil. Un peu plus tard, le constructeur a exploité le brevet d’Adolphe Kégresse. Les premières autochenilles Citroën utilisant ce dispositif apparaissent à l’occasion d’un concours de « chars de montagne » se déroulant durant l’hiver 1920/1921.

Après en avoir fait l’acquisition auprès d’Adophe Kégresse, André Citroën exploite le brevet d’autochenilles dès 1920. Cet exemplaire exposé au Salon de Paris d’octobre 1923 a été primé par le ministère de la Guerre à l’occasion du « concours militaire des tracteurs agricoles » qui s’est déroulé sur le même mois.

En octobre 1923, une autochenille Citroën Kégresse est primée par le ministère de la Guerre à l’occasion du concours des tracteurs agricoles qui s’est déroulé à Satory en octobre 1923. Suivant l’évolution de la gamme automobile Citroën, les Kégresse utiliseront pour base la Type A, la B2 puis la C4. Ces voitures effectueront notamment la première traversée du Sahara, puis la Croisière noire et la Croisière jaune, autant d’événements marquants qui s’accompagnent d’un impact médiatique planétaire.

Les Citroën Kégresse ont parcouru le globe à travers la Croisière noire, la Croisière blanche et la Croisière jaune. Cette photo de la Croisière jaune met en exergue une autochenille sur base C4F à l’assaut des montagnes.

En marge des variantes militaires, quelques Citroën Kégresse ont œuvré dans le domaine agricole et forestier. En fin d’année 1934, le bouillonnant André Citroën est stoppé dans son élan alors qu’il vient juste de lancer un modèle novateur, l’incontournable Traction Avant. La situation financière de l'entreprise est particulièrement difficile. L’élaboration de la Traction Avant, automobile révolutionnaire à plus d’un titre, a été particulièrement coûteuse. L’étude et la mise en fabrication de la voiture ont été terminées dans la précipitation afin de palier aux problèmes de trésorerie. Comme souvent en pareille situation, une commercialisation hâtive est synonyme de « plâtres à essuyer ». Le carnet de commandes de cette auto ne se remplit pas aussi rapidement qu’escompté ! Le 21 décembre 1934, le tribunal de commerce de Paris prononce la mise en liquidation judiciaire de l’entreprise. La direction de celle-ci revient à Edouard Michelin, l’un de ses principaux créanciers.

Retrouvé au centre d’essais de la Ferté-Vidame, cet exemplaire conservé dans son jus est le premier Type J fabriqué. Ce tracteur 4x4 restera au stade de prototype.

Une bonne décennie plus tard, Citroën remet à l’étude un tracteur 4x4. Il s’agit du Type J. Les premiers essais du tracteur remontent à 1946. Au moins deux exemplaires de Type J ont été construits, peut-être même trois. Le premier de ces tracteurs semble avoir été équipé dans un premier temps d’un moteur de Traction Avant 7C. Par la suite, il sera remotorisé par une mécanique spécifique dont la majeure partie des composants provient d’une Traction Avant 11 ch. Le second exemplaire semble quant à lui avoir toujours été équipé d’une mécanique similaire. Les séances d’essais se déroulent au centre dédié à cet effet, à la Ferté-Vidame, dans l’Eure-et-Loir. A partir d’août 1947, ces séances se poursuivent à l’abbaye de Soligny-la-Trappe (Orne), à une cinquantaine de kilomètres du centre d’essais de la Ferté-Vidame. Les deux tracteurs sont testés sans ménagement au labour, à la traction d’une moissonneuse-lieuse Puzenat, d’une moissonneuse-batteuse Allis-Chalmers All Crop, mais aussi en poste fixe à l’entraînement d’une batteuse Merlin. Les comptes-rendus de ces différents essais subsistent encore à ce jour au sein des archives du Conservatoire Citroën.

 

Le Type J a été testé par les moines de l’abbaye de Soligny-la-Trappe (Orne), qui était proche du centre d’essais du constructeur, basé à La Ferté-Vidame. Cette photo a été prise en août 1947.

En août 1947, le constructeur met un terme à ces différentes séances d’essais et le Type J tombe dans l’oubli. Les deux exemplaires précédemment cités ont été préservés. Le premier a été restauré et se trouve toujours au Conservatoire Citroën d’Aulnay-sous-Bois. Le second qui a servi de réserve de pièces détachées lors de la remise en état du premier exemplaire a quant à lui été sauvé par un collectionneur. Est aussi répertoriée au conservatoire Citroën d’Aulnay-sous-Bois, une jauge à huile de type J référencée « Tracteur numéro 3 ». Aucune trace écrite et aucune photographie n’attestent de l’existence physique de ce tracteur. Voilà un mystère qui demande donc à être éclairci… L’aventure du Type J n’a donc été qu’un coup d’épée dans l’eau pour le constructeur du Quai de Javel qui s’est fixé de tout autres priorités à cette époque…

Restauré par l’équipe du constructeur chargée du patrimoine, ce second Type J diffère quelque peu de son congénère. Il est exposé au Conservatoire Citroën d’Aulnay-sous-Bois.

Si l’éventualité d’une construction en série de tracteurs agricoles Citroën s’avère définitivement abandonnée par le constructeur, un certain nombre d’artisans et d’agriculteurs vont construire leur propre tracteur, dans l’immédiat d’après-guerre, à partir d’éléments en provenance d’automobiles de type B2, B10, B12, B14 ou C4.

Une multitude d’automobiles Citroën a été modifiée au cours des années 50 en tracteurs agricoles, soit par des artisans forgerons, soit par les agriculteurs eux-mêmes. D’une manière générale, toute la partie avant du châssis était conservée. Ci-dessus un Leroutier sur base B14. Il a été fabriqué à Carantilly, dans la Manche. Le pont est issu d’un U23

A cette époque, les antiques automobiles Citroën n’avaient aucune valeur. Dans ce contexte, elles ont donc été recyclées passant des routes pavées au plancher des vaches. Le berceau moteur et la calandre originelle étaient généralement conservés, mais la partie châssis était bien entendu raccourcie. Deux boîtes de vitesses montées l'une derrière l'autre équipaient généralement ces tracteurs de facture artisanale. La majeure partie de ces tracteurs ont été construits à l’unité, généralement avec les moyens du bord. Nombre d’entre eux survivent aujourd’hui, tantôt dans leur jus, tantôt restaurés. Quelques constructeurs utiliseront des mécaniques Citroën pour équiper leurs tracteurs à l’image de Sabatier et Micromax.

Le tracteur vigneron Lagarde utilise lui aussi une mécanique Citroën. Il a été fabriqué par Pierre Largarde, dont les ateliers étaient basés à Montussan, en Gironde.

 

Le tracteur Le Patrique type 49 adopte une motorisation 4 cylindres Citroën de 10 ch. Ces tracteurs étaient fabriqués par les établissements Sabatier, basés à Saint-Rambert-d’Albon, dans la Drôme.

 

Les moissonneuses-batteuses Braud 2080 et 2480 pouvaient être équipées, au choix du client, soit d’une mécanique 4 cylindres essence issue de la Traction Avant 11 ch, soit d’un moteur 4 cylindres Diesel Perkins P4.

Citroën a également proposé un large panel de véhicules -utilitaires ou non- ayant accompagné les agriculteurs durant plusieurs décennies. Les premières études de la 2 CV remontent à 1936. Le cahier des charges de cette voiture ultra économique est le suivant : « Quatre roues sous un parapluie permettant de transporter quatre personnes et 50 kg de bagages à 50 à km/h. » Pierre Boulanger ajouta à ce cahier des charges : « Pour éprouver la douceur de la suspension, je placerai un panier d’œufs dans la voiture et je devrai pouvoir rouler à travers un champ labouré, sans en casser un seul. » Différents prototypes sont construits, puis une présérie de 250 autos avant que la guerre n’éclate. Les essais et la construction de nouveaux prototypes reprennent dès 1945. La 2 CV est présentée en avant-première au Salon de Paris d’octobre 1948. La petite Citroën constituera avec la 4 CV Renault l’une des principales attractions de ce salon. La 2CV rencontrera un succès retentissant et elle sera adoptée par une multitude d’agriculteurs, tant en berline qu’en fourgonnette. Cette seconde variante sera également adoptée, tout comme l’Acadiane, par de nombreux concessionnaires et marchands-réparateurs de tracteurs et machines agricoles.

La version fourgonnette de la 2 CV a été utilisée par de nombreux concessionnaires, agents et réparateurs de tracteurs et de matériel agricole. Ici, celle des établissements Leroy, qui ont représenté la firme Massey Ferguson en Normandie durant plusieurs décennies.

La suspension géniale de la « 2 pattes » -et des modèles qui en dérivent- permet en effet d’intervenir en plein champ dans des conditions optimales. Les Ami 6 et 8 berline et break seront également très présentes sur les exploitations. En 1968, le constructeur présente la Méhari, un pick-up à pare-brise rabattable doté d’une carrosserie en ABS teintée dans la masse. Un certain nombre d’agriculteurs se laisseront convaincre par la Méhari. Si l’aspect pratique de cette auto était bel et bien au rendez-vous, l’ABS se révélait particulièrement sensible aux UV et son vieillissement le rendrait relativement cassant. De même, la structure tubulaire de la voiture était particulièrement sensible à la corrosion. Par la suite, un petit utilitaire de la marque percevra également un grand succès auprès des agriculteurs : le C15.

Lancé peu avant la déclaration de la guerre, le TUB était un véhicule ultra moderne pour l’époque. Il constitue une excellente base de développement pour le futur Type H.

Les fourgons et les camions légers seront également bien présents dans nos campagnes. Quelques mois avant la déclaration de la guerre, Citroën présenta une camionnette ultra moderne : le TUB. Attestant de 850 kg de charge utile, cette dernière est à traction avant. Elle dispose par conséquent d’un seuil de chargement relativement bas. La diffusion de ce modèle sera relativement limitée, contexte oblige. Ce modèle compact constituera l’une des bases de travail d’un modèle à succès : le Type H. Présenté en juin 1947 et commercialisé un an plus tard, le type H sera construit à plus de 470 000 exemplaires sur une période de 35 ans. Décliné à toutes les sauces, ce véhicule sera particulièrement présent dans la vie rurale, de la bétaillère au fourgon de l’épicerie ambulante en passant par l’ambulance et la version plateau du charbonnier.

 

Produit à plus de 470 000 exemplaires, le type H connaîtra un succès retentissant. Nombre d’épiceries ambulantes l’utiliseront pour effectuer les tournées et les marchés.

Dans un gabarit supérieur, le U23 aura lui aussi particulièrement marqué les esprits.  Apparu en juin 1935, ce modèle rencontrera un énorme succès et fera l’objet d’un certain nombre d’évolutions tout au long de sa carrière qui s’achèvera en 1967. Assaisonné lui aussi à toutes les sauces, il sera très présent dans les campagnes. On le retrouve souvent carrossé en bétaillère, mais aussi en plateau bâché où il assure, entre autres, le transport et la livraison d’engrais et d’aliments pour le bétail. Ce petit tour d’horizon en Citroën n’a rien d’exhaustif bien sûr, mais représente avant tout un hommage au constructeur au double chevron qui a toujours fait de l’innovation son cheval de bataille.

 

Le U23 connaîtra une carrière de 35 ans au sein de la gamme Citroën. Il fera l’objet d’un certain nombre d’évolutions. Affecté au transport des aliments pour animaux Sanders, cet exemplaire à cabine monocoque est ici saisi en fâcheuse posture sur le port de commerce de Brest.

Réagir à cet article

Les dernières annonces de matériel agricole d'occasion