Séisme du Teil : les fortes pluies ont-elles favorisé son déclenchement ?
Trois ans après le séisme du Teil, en Ardèche, des scientifiques travaillent toujours sur ce qui est le plus gros tremblement de terre en France depuis 1967. Le séisme est d'origine naturelle, mais des phénomènes ont pu favoriser son déclenchement ce 11 novembre 2019, notamment les intempéries.
Le séisme du Teil est d'origine naturelle. La faille de la Rouvière, qui a craqué ce 11 novembre 2019, aurait fini par libérer l'énergie accumulée, mais peut-être dans quelques centaines ou milliers d'années. D'autres phénomènes ont pu favoriser, accélérer son déclenchement. Les chercheurs travaillent sur deux hypothèses : le rôle qu'ont pu jouer la carrière Lafarge et l'extraction de 70 millions de tonnes de roches sur des dizaines d'années, et la pluviométrie.
Il a beaucoup plu dans le mois précédent le 11 novembre 2019 : le 24 octobre, 55 millimètres de pluie ; le 3 novembre 30 millimètres. Cumulés aux précipitations précédentes, ces pluies peuvent modifier en sous-sol les charges sur les failles explique André Burnol, ingénieur et chercheur en hydrogéochimie au BRGM, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières : "c'est un phénomène de surpression hydraulique qui est lié à l'infiltration de l'eau dans des zones particulièrement perméables, notamment des zones de failles. Il peut y avoir des surpressions à l’intersection de ces failles où il y a des contraintes tectoniques qui se sont accumulées et qui peuvent se libérer. C'est une pichenette, en quelque sorte, qui déclenche le séisme."
Dans le Gard en 2008, dans la région de Nice au moment de la tempête Alex, les intempéries ont été suivies d'un essaim de micro-séismes. Dans la zone du Teil, sur les dix années précédant le séisme de 2019, trois épisodes pluvieux intenses ont donné lieu à des micro-séismes : "on a pu enregistrer des événements sismiques de beaucoup plus faible magnitude dans la dizaine de jours suivant ces épisodes pluvieux intenses. Mais statistiquement, ce n'est pas suffisant pour conclure" précise André Burnol, qui appelle donc à la prudence dans l'interprétation de ces données.
Le BRGM a soumis cette année à l’Agence Nationale de la Recherche un projet afin d’étudier le risque lié à cette hydro sismicité en France métropolitaine.
Forer pour atteindre le cœur du séisme
Les chercheurs envisagent de forer pour atteindre le cœur du séisme. Ce serait une première mondiale. Cela permettrait d'analyser les propriétés physiques des failles juste après un tremblement de terre. Pour Christophe Larroque, chercheur au laboratoire GéoAzur à Nice, "la possibilité nous en est donnée parce que l'une des caractéristiques du séisme du Teil, c'est qu'il est très superficiel, il est seulement à 1 km / 1,5 km sous la surface, alors que la plupart des tremblements de terre se produisent beaucoup plus profond, à 5 km, 8 km, 15 km ou plus, ce qui rend le forage plus compliqué techniquement et plus coûteux."
Jusqu'ici les chercheurs ont creusé des tranchées. Cela leur a déjà permis de constater que la faille de la Rouvière avait déjà subi un tremblement de terre probablement de la même intensité il y a quelques milliers d'années. Ils ont fait un forage de reconnaissance aussi, à une vingtaine de mètres de profondeur, en janvier dernier. Le forage à 1 kilomètre de profondeur, s'il se fait, se fera dans les deux ou trois ans. Il nous faut encore du temps explique Christophe Larroque : "il y a une question sur le financement, ce sont quand même des opérations de l'ordre de 1 à 2 millions d'euros. Ensuite, il ne faut pas se tromper : il faut être sûr, ou quasiment sûr, de traverser la faille au bon endroit, donc cela nécessite des études préliminaires et une réflexion au sein de la communauté scientifique. On ne peut pas dire comme ça, en pointant le doigt sur une carte, voilà on va forer là."
Les chercheurs ont par ailleurs fait intervenir des camions vibrateurs sismiques et ont désormais une cartographie bien plus claire des failles en sous-sol.
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