EN IMAGES - Des blaireaux vaccinés en Dordogne pour aider à lutter contre la tuberculose bovine
C'est une expérimentation unique en France qui est menée depuis l'an dernier en Dordogne, l'un des départements les plus touchés par la tuberculose bovine. Des équipes encadrées par l'OFB attrapent et vaccinent les blaireaux afin d'éviter la circulation de cette maladie. Nous les avons suivis.
Dès que le soleil se lève, Paul Vignères se dépêche pour vérifier tous les pièges installés sur sa zone en espérant trouver des blaireaux. Il veut les attraper pour les vacciner contre la tuberculose bovine. Avec son surpantalon et ses bottes, le technicien naturaliste et piégeur du Grege (Groupe de recherche pour la gestion de l'environnement), part dans la forêt.
Ce sont des terrains privés qui font partie de la zone d'expérimentation de l'Office français de la biodiversité, de 100 km2 définie dans le Ribéracois. Depuis l'an dernier, les équipes viennent piéger et vacciner les blaireaux pendant les mois d'avril à début juin.
Pendant une semaine, Paul Vignères a installé tous ces pièges à des endroits stratégiques, "là ce sont des chemins que le blaireau emprunte, on appelle ça des coulées" ; et devant les terriers qu'il a repérés, "vous voyez ça fait des sortes de puits, et devant le terrier, il n'y a plus de végétations parce que les animaux passent souvent là et il y a aussi des cailloux, ce sont les déblais quand ils ont creusé".
Le blaireau peut être vecteur de la maladie
Le blaireau n'est pas le vecteur principal de la tuberculose bovine, "s'il n'y avait que le blaireau, la maladie ne pourrait pas se maintenir en France", explique Stéphanie Desvaux, les bovins sont les réservoirs. En revanche, l'animal sauvage peut être contaminé par des troupeaux infectés, et à son tour, la transmettre à ses congénères ou à d'autres troupeaux sains quand il va se nourrir dans les champs ou bien lorsqu'il va boire dans les abreuvoirs des bovins.
"Cela fait dix ans que l'on a un programme de surveillance sur les blaireaux, explique Stéphanie Desvaux, vétérinaire épidémiologiste de l'Office français de la biodiversité qui mène cette expérimentation. C'est une maladie avant tout bovine pour laquelle le blaireau est sensible, il est capable de s'infecter et d'infecter en retour les bovins". Le problème, explique la spécialiste, c'est qu'entre les bovins et les blaireaux et l'environnement, cela constitue "un complexe multihôtes [...] qui fait que la maladie peut se maintenir sur le long terme".
Les collets sont à peine visibles dans la forêt si on n'y prête pas attention, "c'est une boucle en forme de ballon de rugby, quand le blaireau passe, il se resserre autour de ses hanches, car le blaireau est plus large à cet endroit-là", décrit Paul Vignères qui les contrôle un à un. C'est sportif, Paul court presque dans les sous-bois, "le blaireau, il grimpe, là la paroi verticale que vous voyez, il la monte sans problème et il nage aussi, il traverse sans problème des cours d'eau".
L'animal identifié
Après deux heures, il n'y pas de blaireau dans le secteur de Paul Vignères mais sa journée n'est pas finie, il rejoint une autre équipe qui a capturé un blaireau. C'est une jeune femelle, qu'on appelle blairelle. L'animal est endormi puis déplacé délicatement dans une clairière où trois techniciens s'affairent et suivent un protocole précis : ils prélèvent un peu de sang pour savoir si l'animal est contaminé ou non à la tuberculose bovine. Il faut attendre 20 minutes pour avoir le résultat. D'ici là, Paul et ses collègues Debby Bonnaire et Coline Loheac prélèvent des poils, déterminent l'âge de l'animal, vérifient son état général, s'il a des tiques, s'il est blessé. Tout va bien pour cette femelle qui est probablement née l'année dernière. Ils l'identifient avec un transpondeur pour pouvoir la reconnaître si jamais elle se fait capturer une deuxième fois.
15% des blaireaux capturés sont infectés
Ce test a débuté l'an dernier, et pour le moment "c'est ce à quoi on s'attendait sur les zones que l'on a choisies, sur les blaireaux capturés, environ 15% étaient positifs à la maladie", détaille Stéphanie Desvaux, vétérinaire à l'OFB. Lorsqu'un animal est positif à la maladie, il est euthanasié, "pour éviter qu'il contamine ses congénères et puis que par exemple il recontamine un élevage qui a déjà été touché".
Au bout de 20 minutes, c'est un soulagement dans l'équipe, la blairelle est négative à la tuberculose bovine, elle va pouvoir être vaccinée contre la maladie. Dès que le vaccin est fait, la blairelle, baptisée Harmony par son piégeur, Quentin Labeyrie, est ramenée devant une entrée de terrier et réveillée. Les techniciens l'observent pendant quelques minutes avant de repartir.
Environ 30% des groupes vaccinés sur la zone
Pour le moment, "environ 30% des groupes sont vaccinés contre la tuberculose bovine, décrit Stéphanie Desvaux. On avait capturé environ une trentaine d'individus l'an dernier et on devrait être au même nombre cette année". En Irlande du Nord, qui a été pionnière dans cette expérimentation, il a fallu atteindre un taux de 60% de couverture vaccinale pour voir un effet sur les contaminations de la tuberculose bovine dans les élevages. "On ne sait pas encore, avec nos conditions, s'il faudra 50 ou 60 ou 70%, mais on se fixe 60%", déclare la vétérinaire de l'OFB.
Le rapport sur cette expérimentation sera rendu en 2026 au ministère de l'Agriculture, qui gère notamment l'OFB, avec la description des moyens qu'il faut pour étendre cette expérimentation aux autres départements touchés. Ce sera ensuite au ministère de prendre une décision pour pérenniser ou non cette vaccination.
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