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Daniel Prévost

Par
  • France Bleu

Daniel Prévost et les « délires » qui sauvent

Les portraits de Jean-Paul Billo 2012-2013

« Entre un être humain et moi, il n’y a guère de différence ! » C’est derrière ce genre de pensées loufoques que Daniel Prévost aime cacher ses blessures, tout en précisant : « Je suis un peu fêlé de la cafetière, mais je me soigne ! » Depuis qu’il chantait « La Pêche aux moules » le dimanche à la télé dans « Le Petit Rapporteur » de Jacques Martin, l’acteur, showman et écrivain aux frisettes blanchies, au nez aquilin, au regard perçant et au rire démoniaque, a tracé son sillon original d’artiste aujourd’hui septuagénaire.Titulaire d’un premier prix de comédie de l’École de la Rue Blanche, Daniel Prévost se fait les dents au cabaret où il se lie d’amitié avec Bobby Lapointe et Jean Yanne. En 1961, il débute au théâtre dans « L’Étourdi », « Le Dépit amoureux » de Molière, et « Un certain Monsieur Blot » de Robert Rocca, en compagnie de Michel Serrault. On le voit ensuite en 1966 dans « La nuit de Lysistrata » d’Aristophane mise en scène par Gérard Vergez au Théâtre Édouard VII, puis « La Main passe » de Georges Feydeau (1971) et « Duos sur canapé » de Marc Camoletti (1972). Dès les années 60, il fait apprécier sa veine comique à la télévision dans « Les Raisins verts » de Jean-Christophe Averty, puis « Les Saintes Chéries » et « La Caméra invisible ». En 1974, ses prestations aux côtés de Pierre Desproges dans « Le Petit Rapporteur » de Jacques Martin lui ouvrent les portes d’une notoriété qui s’amplifie avec, à partir de 1980, sa présence dans l’équipe de « Merci Bernard » de Jean-Michel Ribes.

Sa carrière au cinéma débute en 1968 sous la houlette du réalisateur Gérard Pirès qui le dirige dans « Érotissimo », puis « Elle court, elle court la banlieue » en 1972. Il figure ensuite au générique de comédies telles que « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », « Moi y’en a vouloir des sous » de Jean Yanne, « L’an 01 » de Jacques Doillon, ou « Elle cause plus, elle flingue » de Michel Audiard. À partir de 1990, il réussit à diversifier son jeu avec des films comme « Uranus » de Claude Berri, « Ville à vendre » de Jean-Pierre Mocky (1992), « Le Colonel Chabert » d’Yves Angelo, « Tenue correcte exigée » de Philippe Lioret (1994), et le fameux « Dîner de cons » de Francis Weber, qui lui rapporte en 1999 le César du Meilleur acteur dans un second rôle. Puis on le voit notamment dans « Astérix et Obélix contre César » de Claude Zidi, « La Vérité si je mens 2 » de Thomas Gilou (2000), « Un crime au paradis » de Jean Becker (2001), « Pas sur la bouche » d’Alain Resnais (2003), « Le Petit Nicolas » de Laurent Tirard, « Lucky Luke » de James Huth (2009), et « Les Petits Ruisseaux » de Pascal Rabaté en 2010. Il figure au générique de plus de 75 films.Fidèle à ses premières amours, il s’illustre régulièrement sur les planches à Paris et en tournées. Il signe trois one-man-shows : « Venez nombreux » (1979), « Déconnage immédiat » (1991), « Être ou ne pas être Daniel Prévost » (2005), ainsi que la pièce « Vite une femme », et le spectacle « Fédérico, l’Espagne et moi », mis en scène par son fils Erling en 2008.Écrivain, il publie une trilogie à caractère biographique : « Coco Belles-Nattes » (1986), « Le pont de la révolte » (1995), « Le passé sous silence » (2001). Il est également l’auteur de : « Journal intime. Les années de réflexion » (1998), « Éloge du moi et autres pensées » (2006), « Délires » (2010), et d’une dizaine d’autres ouvrages dont « Mesures d’urgence », qui décroche le Grand Prix de l’Humour noir. Veuf depuis 2007, il est père de trois enfants comédiens ou metteurs en scène : Sören, Christophe et Erling.Titi parisien Daniel Prévost voit le jour le 20 octobre 1939 à Garches, dans l’Ouest parisien. Élevé par sa maman, il passe ses premières années à Vincennes, « tout près de la verdure du Bois et du Château, où l’on jouait aux cow-boys et aux indiens avec les gamins du quartier ! » Il se retrouve ensuite dans le quartier populaire de Belleville dont il garde un souvenir ému : « C’était le Belleville de la chaussure, de la plomberie, des cafés, des marchandes de quatre saisons et du foisonnement des nationalités…» Dans un foyer sans père, il subit une atmosphère familiale pesante dont il s’évade avec les moyens du bord : « Faire rire les copains, c’était pas mon truc ! J’étais un adolescent romantique, j’écrivais des chansons poétiques, des alexandrins… Je n’avais que ça en tête. Je me voyais bien devenir philosophe ! » Il est cependant taraudé de bonne heure par une vocation évidente : « Un jour, ma grand-mère m’a emmené au cinéma voir « Jeux interdits ». J’ai trouvé ça si beau que je me suis dit : « Voilà ce que je veux faire ! » La directrice d’école a développé mon goût pour la poésie, elle m’a fait découvrir la peinture, elle a embelli ma jeune vie ! » Dès l’âge de 14 ans, avec son argent de poche, il s’inscrit au cours de comédie du X° arrondissement. Il découvre les« beaux textes » en compagnie d’un professeur – ancien acteur dans le « Napoléon » d’Abel Gance – qui l’encourage dans ses projets.

« Beaucoup de prétentions, peu de capacités ! » : vexé par cette appréciation scolaire peu motivante, le potache met fin à ses activités lycéennes en première pour se consacrer à sa vocation. Peu fortuné, il n’échappe pas aux petits boulots alimentaires : employé de bureau, apprenti carrossier, vendeur de livres chez Albin Michel…C’est une triple récompense qui le paye de ses efforts : Premier Prix de comédie Rue Blanche, rencontre avec Jean Yanne qui devient son ami, coup de foudre à 22 ans au Danemark où il joue « Le Malade imaginaire». L’élue se nomme Yette. C’est une jeune Danoise de 16 ans et demi qui apprend la danse classique : « Elle m’a rejoint à Paris. On s’est marié. Elle m’a construit, amélioré, encadré comme un véritable garde-fou ! » Consciencieuses clowneries Adepte du non-sens, des formules à l’emporte-pièce, d’un humour à géométrie variable qui ne tutoie pas toujours les sommets de la finesse, Daniel Prévost joue sans cesse à cache-cache avec un art consommé, et plaide coupable : « À l’absurdité du monde, j’ajoute mon incohérence ! Pour moi, déconner est une forme d’autodéfense contre les agressions de la vie, une façon d’exprimer ma révolte face à une réalité qui m’ennuie ! » Il assume ce fonds de commerce tel un artisan consciencieux : « Faire n’importe quoi demande beaucoup de travail. On ne s’improvise pas clown d’un coup de baguette magique ! Pitre, bouffon, c’est un vocabulaire dont j’ai horreur, comme tout ce qui évoque la dinguerie, l’aberration, l’extravagance. Le seul mot que je revendique, c’est « le délire ». Parce que le délire, c’est la meilleure voie vers la sérénité ! » Quant à ses prestations dans de sublimes navets tel « Mon curé chez les Thaïlandaises », il ne les renie en aucune façon : « J’ai gagné ma vie ! Souvent avec des personnages de faux-culs et de salauds, mais j’ai prouvé que j’étais un acteur polymorphe ! Et puis, faire un mauvais film, c’est tout de même moins grave que d’attaquer une petite vieille ! » Tardives révélations C’est à l’âge de 36 ans, en 1975, que Daniel Prévost est convoqué par sa tante. Sur son lit de mort, elle lui livre une vérité : son père n’est pas un inconnu comme on le lui a fait croire, mais un ouvrier algérien chassé par la branche maternelle de la famille qui n’a jamais accepté une telle présence : « Le choc fut total ! Je suis resté scotché ! » Quand il en parle à sa maman, elle se contente de répondre : « C’était de la merde ! Un illettré ! Tu es issu d’une racine pourrie ! » Dix ans plus tard, sa marraine lui lâche le nom de ce géniteur passé aux oubliettes : Aït-Salem. Après des mois et des mois d’enquête des quartiers d’immigrés de Saint-Denis aux rives africaines de la Méditerranée, il retrouve la trace de sa famille kabyle qui l’accueille aussi chaleureusement qu’un frère dans le Djurjura Algérois, et lui montre la tombe de son papa décédé en 1952. « C’est une histoire que je me suis trimballée pendant des années comme un boulet de galérien, et qui m’a fait souffrir, souffrir… Il était vital que j’aille jusqu’au bout ! » confie l’acteur, qui, à 53 ans découvre sa véritable identité. S’ensuivent dépression, thérapie, et heureusement les mots qui guérissent : « C’est l’écriture qui m’a sauvé ! J’ai tout raconté d’un seul jet, un seul ! Je n’ai jamais pu relire les épreuves ! » Rêveries Il a le cœur à gauche, mais n’est pas militant : *« Longtemps j’ai nourri l’espoir d’un monde meilleur, mais je suis revenu de cette illusion ! » * Amateur de bon vin et de bourriches d’huîtres, il révère Gandhi, Bach, Charpentier, et aurait aimé peindre comme Rosa Bonheur.Il admet piquer quelques colères et impatiences, mais souvent c’est tout le contraire : « Je passe mon temps à rêver, ça signifie qu’on est vivant ! » Il entretient le souvenir de Yette, sa chère disparue, mais confie discrètement avoir su « combler ce vide affectif » . Il cultive aussi désormais l’art d’être grand-père.Lecteur des grands philosophes comme Kierkegaard, le spécialiste des aphorismes de rigolo à gros nez rouge ne dédaigne pas citer Einstein : « Il est plus facile de briser un atome qu’un préjugé ! »

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