L'arrivée du rugby dans les Pyrénées-Orientales
Albert Lincou et le rugby par Hélène Legrais.
Nous sommes à l’internat du collège municipal de Perpignan, sur le Pont d’En Vestit, où un nouveau pensionnaire vient de poser sa malle. Il piaffe d’impatience d’en sortir ce qu’il veut faire découvrir à ses camarades de dortoir.
Ce « pancu » s’appelle Hildebert Lincou mais on l’appelle Albert comme son père. Il est né à Port-Vendres le 19 mai 1875 sur le quai Forgas, 11e enfant de la famille, et après l’école primaire, il a fait sa première rentrée au collège de Perpignan à 10 ans … mais ses parents l’en ont enlevé après quatre jours seulement pour partir s’installer à Alicante. Puis en région parisienne. Le jeune Albert étudie pendant trois ans au lycée Michelet de Vanves. C’est là qu’il fait LA rencontre de sa vie : le rugby. Ce nouveau sport né dans les universités anglaise a traversé la Manche pour atteindre Paris via Le Havre. En janvier-février 1891, le premier Championnat de France Scolaires est organisé. Il se joue entre plusieurs établissements parisiens. En finale le Lycée Michelet où Albert joue avant bat l’Ecole alsacienne (5 à 3).
Puis les Lincou reviennent dans les PO …
C’est donc auréolé de ce titre de champion de France, et un ballon dans ses bagages, qu’Albert Lincou, de retour au pays, fait sa rentrée 1891 au collège, bien décidé à convertir ses camarades pensionnaires à sa nouvelle passion. Parmi eux, Robert Buscail a déjà joué au football-rugby, c’est le terme à l’époque, à Bordeaux. Et à eux deux, ils convainquent le principal Calmette de les laisser tenter l’aventure. L’Etat pousse alors les jeunes gens à la pratique du sport : il faut préparer de bons soldats pour récupérer l’Alsace et la Lorraine ! Lincou et Buscail fondent donc une section rugby et le 29 octobre naît l’Association Sportive du Collège de Perpignan.
Leurs camarades de l’internat ont bien reçu cette initiative ?
Ils sont ravis de trouver un dérivatif au morne ennui de leur vie au « bahut », se privent volontiers du petit pain de 10h pour payer la cotisation de 5 à 10 sous mensuels. Le jeudi, ils n’ont pas cours et sortent hors les murs jouer sur le Champ de Mars, le terrain de manœuvre des régiments en garnison à Perpignan. Ils tracent les lignes du terrain à la craie par terre … en évitant les zones couvertes de ronces. Pas de poteaux. Lorsqu’un joueur aplatit derrière la ligne, ce qui lui octroie un « essai » pour tenter de marquer des points en frappant au pied, suivant les règles originelles, on va chercher des perches couchées le long de la touche et on les tient dressées dans des trous creusés aux endroits adéquats. L’ASCP dispute ses premiers matches contre Montpellier et Carcassonne en 1892 avec Lincou comme capitaine. C’est le club des internes, les externes, plus libres de leur emploi du temps, créent de leur côté un club indépendant. Plusieurs d’entre eux contribueront à fonder en 1902 l’ASP, ancêtre de l’USAP.