Les hôtels de Soubise et de Rohan
Soutenez la renaissance d'un joyau XVIIIe de la capitale !
A l'occasion des Journées européennes du patrimoine, dont le thème national est Patrimoine Durable, les Archives nationales et la Fondation du patrimoine lancent une souscription publique internationale pour solliciter la générosité des particuliers et des entreprises en vue de la restauration d'un chef-d'œuvre du patrimoine européen : l'hôtel de Rohan et ses salons des princes-cardinaux.
Situé dans le Marais, au sein du remarquable Quadrilatère des Archives, l'hôtel de Rohan est l'un des plus prestigieux palais parisiens du XVIIIe siècle. À ses harmonieuses façades classiques, dont l'une peut s'enorgueillir des célèbres Chevaux du Soleil du sculpteur Le Lorrain, répondent ses somptueux intérieurs : les salons des cardinaux de Rohan et les salons de la Chancellerie d'Orléans. Soutenez la renaissance d'un joyau XVIIIe de la capitale !
Aujourd'hui, les Archives nationales et la Fondation du patrimoine ont besoin du soutien de toutes et de tous pour les aider à restaurer les salons des princes-cardinaux de Rohan, permettre ainsi le parachèvement de ce projet patrimonial inédit et, à l'aide d'une muséographie renouvelée, leur redécouverte par le plus grand nombre.
C'est à partir de 1371 qu'Olivier de Clisson, successeur du connétable de France Bertrand du Guesclin, fait construire un hôtel particulier au cœur du chantier du Temple, aujourd'hui le Marais. On ne conserve de ce premier habitat que la porte d'entrée fortifiée cantonnée de deux échauguettes sur l'actuelle rue des Archives. Il s'agit là de l'unique vestige de l'architecture privée du XIVe siècle encore visible à Paris.
En 1553, François de Lorraine, duc de Guise, et sa femme, Anne d'Este, acquièrent l'hôtel particulier. Très délabré, le bâtiment exige d'importants travaux de reconstruction que la puissante famille des Guise confie au célèbre artiste italien, chef de file de la première école de Fontainebleau, Francesco Primaticcio, dit Le Primatice. Rien n'a malheureusement été conservé des célèbres peintures de la chapelle réalisées d'après ses dessins par Niccolo dell'Abbate.
Sous l'influence du duc de Guise, l'hôtel devient le siège de la Ligue catholique pendant les guerres de religion. C'est le cadre d'événements marquants de l'histoire de France : le massacre de la Saint Barthélémy y est probablement décidé en 1572 ainsi que la journée des barricades, en 1588, qui oblige le roi Henri III à quitter Paris.
Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, Marie de Guise, dite Mademoiselle de Guise, dernière descendante du nom, embellit considérablement l'hôtel et ses jardins. Ils deviennent le théâtre d'une brillante cour où se côtoient, en habitués, Corneille, Tristan L'Hermite ou le compositeur Marc-Antoine Charpentier.
(Des travaux de confortation et de remise en état de la façade sur jardin sont entrepris en 2016 sous la maitrise d'œuvre de l'architecte en chef des monuments historiques François Jeanneau. Les travaux consistent à :
- reprendre l'ensemble des maçonneries (remplacement des pierres en œuvres les plus abimées, purges des ciments de ragréage, nettoyage de la pierre par hydrogommage, restitution des éléments sculptés altérés, comme certains métopes, ou disparus comme les pots à feu et la frise d'acrotère,
- remplacer les menuiseries des années 20 altérées, par des menuiseries conformes au dessin d'origine et offrant les performances actuelles d'isolation et de protection aux UV
- assurer la stabilité de l'édifice par des reprises en sous-œuvre
L'hôtel accueillera au rez-de-chaussée les décors de la chancellerie d'Orléans en cours de restauration pour une ouverture au public prévue en 2022).
En mars 1700, François de Rohan-Soubise et sa femme, Anne de Rohan-Chabot, achètent l'hôtel et confient à leur architecte, le jeune Pierre-Alexis Delamair, le soin de le remettre au goût du jour. Ce dernier décide de changer l'orientation de l'édifice en plaquant une nouvelle façade de style classique contre l'ancienne aile sud et construit, à l'emplacement de l'ancien manège des Guise, une majestueuse cour d'honneur à portique arrondi ouvrant par une demi-lune sur la rue des Francs-Bourgeois.
Dans le même temps, il est chargé par leur fils, le futur cardinal de Rohan, de construire l'hôtel de Rohan-Strasbourg, dont la façade monumentale se dresse sur les jardins communs aux deux hôtels.
Le remariage en 1732 d'Hercule Mériadec, fils aîné de François de Soubise, avec la jeune princesse Marie-Sophie de Courcillon est l'occasion de confier à un nouvel architecte, Germain Boffrand, l'aménagement des appartements. En 1735, Boffrand édifie un nouveau pavillon, de forme ovale, qui permet l'articulation avec l'aile nord en retour et dessert les appartements privés du prince héritier et de son épouse. À partir de 1736, il consacre tous ses efforts aux décors intérieurs. Ces appartements comptent parmi les plus beaux exemples de l'art rocaille, chef-d'œuvre collectif dû au talent des meilleurs peintres, sculpteurs et ornemanistes du temps – François Boucher, Charles Natoire, Jean-Baptiste II Lemoyne, Jacques Verbeckt, etc. – réunis sur le chantier autour de Boffrand.
Sous la Révolution, l'hôtel de Soubise est mis sous séquestre puis finalement vendu au profit des créanciers de la famille de Soubise, à l'instar de son voisin l'hôtel de Rohan. Par le décret impérial du 6 mars 1808, il est acquis par l'État et officiellement affecté aux Archives de l'Empire. Au même moment, l'hôtel de Rohan est attribué à l'Imprimerie nationale.
Dans l'ancien hôtel de Soubise, Napoléon Ier fait regrouper les archives qui étaient jusqu'à présent conservées dans plusieurs dépôts parisiens. Cependant, ces espaces, provisoires et inadaptés, deviennent vite surchargés et l'administration doit engager un programme de construction de dépôts ad hoc.
Ce programme, dont l'ensemble appelé aujourd'hui « Grands dépôts » est le résultat, s'étend de la Monarchie de Juillet à la IIIe République, en deux temps : de 1838 à 1848 par les architectes Édouard Dubois et Charles Lelong, et de 1859 à 1880 par Hubert Janniard puis Edmond Guillaume. Les premières constructions, « dépôts Louis-Philippe », sont bâties dans le prolongement est de l'hôtel de Soubise, au travers des jardins, en rompant la perspective avec la façade de l'hôtel de Rohan. L'aile édifiée sous Napoléon III et achevée sous la IIIe République sur l'emplacement des anciens bâtiments de l'hôtel de Guise prolonge les dépôts Louis-Philippe en retour d'équerre sur les actuelles rue des Quatre-Fils et rue des Archives. La cour des Grands dépôts se referme ainsi sur un espace en forme de T où l'architecture du palais des Soubise dialogue désormais avec celle des magasins monumentaux des Archives nationales. Dans les salons d'apparat, libérés de leurs archives et restaurés, le musée des Archives nationales s'installe à partir de 1867.
En 1927, l'Imprimerie nationale quitte l'hôtel de Rohan qui est affecté, ainsi que ses communs, aux Archives nationales. Les anciennes écuries du cardinal de Rohan, ouvrant sur la cour des Chevaux du Soleil, sont aménagées en magasins d'archives afin d'accueillir les documents du Minutier central des notaires parisiens. Le corps de logis principal de l'hôtel est entièrement rénové par les soins de l'architecte Robert Danis entre 1932 et 1938. L'escalier d'honneur, démoli en 1824, est restitué ; le salon de compagnie et le fameux salon des Singes sont restaurés ; le salon des Fables, provenant d'une aile démolie de l'hôtel de Soubise, y est transplanté.
Suite à la restauration de ses façades et de sa toiture puis un important chantier de remontage, le rez-de-chaussée de l'hôtel de Rohan abrite les décors de la chancellerie d'Orléans, inaugurés en octobre 2021 et accessibles uniquement sur visite guidée jusqu'au terme des travaux qui occupent notamment les jardins.
Après la restauration du premier étage et des décors originaux du XVIIIe siècle qu'il abrite, le parcours de visite présentera également l'histoire de l'hôtel de Rohan depuis sa construction.
- Régis Lapasin, Sabine Meuleau, Archives nationales. Le quadrilatère du Marais, Paris, 2013, coll. Itinéraires du patrimoine.
- Claire Béchu (dir.), Les Archives nationales. Des lieux pour l'histoire de France. Bicentenaire d'une installation, 1808-2008, Paris, Archives nationales-Éditions Somogy, 2008, 384 p., ill. En vente aux Archives nationales.