Nicolas Pinon est laqueur végétal. Après vingt ans d’apprentissage, de voyages de recherche, il connaît depuis quelques années une reconnaissance de son travail. Il est lauréat de la Fondation Banque Populaire ou encore du Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main, catégorie Dialogues. Un feu d’artifice de récompenses qui ne le distrait pas du travail minutieux, répétitif et méditatif de son atelier parisien. Raphaëlle Le Baud lui tend le micro du podcast The Craft Project.
Nicolas Pinon travaille une matière unique, ancestrale. Une laque issue de la sève d’arbres qu’on ne trouve qu’en Asie, depuis quasiment 10 000 ans. Les hommes l’utilisent pour sa résistance et ses qualités esthétiques. La philosophie du laqueur est celle d’un artisan qui s’appuie sur les autres. Bois, métal, céramique : les supports d’expression de la laque végétale sont multiples et engagent des dialogues. « Même si je suis capable de réaliser des pièces de A à Z, mon métier est surtout un métier de collaboration », souligne Nicolas Pinon.
Son art exige la plus grande patience, à contre-courant d’un monde où tout doit aller vite. « La qualité de la laque vient du temps que l’on passe sur une pièce. Il faut parfois jusqu’à cinquante couches, avec des temps de séchage qui s’étirent jusqu’à trois semaines entre chaque. » Aussi, le métier de Nicolas Pinon s’est raréfié, surtout en Europe. En France, une petite dizaine d’artisans l’exercent encore. Pour s’y former après ses études, il a cherché jusqu’à Barcelone les derniers héritiers des laqueurs modernistes. Mais surtout, il a poursuivi sa quête au Japon, berceau de la laque végétale.
Pour apprendre des meilleurs, Nicolas Pinon a réalisé deux voyages de formation au Japon, bravant la barrière de la langue, vivant au rythme des ateliers traditionnels. Aujourd’hui encore, il séjourne régulièrement au Japon où il repousse les limites de sa matière dans un dialogue créatif sans fin avec les artisans locaux. « J’adore quand chacun exprime son point de vue, pouvoir discuter des choses. Pour moi, les métiers d’art sont avant tout un échange », explique-t-il. De sa rencontre avec le grand maître laqueur Nagatoshi Onishi, il retient une philosophie de transmission : « il m’a enseigné toutes ses techniques, transmis sa vision de la laque pour qu’à mon tour, j’en sois l’ambassadeur en Europe. »
Si le travail de Nicolas Pinon a été récompensé récemment par de nombreux prix, cette reconnaissance a pris un peu de temps. À son retour en France, il doit attendre quelques années avant de rencontrer son marché et reprendre un atelier de laque rue du Faubourg Saint-Antoine. Comme souvent avec les métiers qui demandent des heures de travail à la main sur une seule pièce, la pédagogie, l’explication sont indispensables. Aussi, Nicolas Pinon s’est donné pour mission de mieux faire connaître son savoir-faire. « En tant qu’artisans, il est de notre devoir de transmettre, en embauchant des apprentis, en animant des formations », explique-t-il.
Une philosophie qu’il applique au quotidien, tout en continuant à mener ses propres recherches. Avec Dimitry Hlinka, ils ont reçu en 2020 l’une des plus belles reconnaissances, le Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main catégorie Dialogues, pour la création d’un radiateur laqué dont la couleur varie au gré de la température. Un travail qu’ils poursuivent cette année en résidence à la Villa Kujoyama, à Kyoto, nouvelle occasion de tisser des liens avec les maîtres d’art japonais dont Nicolas Pinon chérit l’art de laquer.