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Vaches laitières photographiée le 4 janvier 2016 dans une ferme de Muleshoe (Texas).
Vaches laitières photographiée le 4 janvier 2016 dans une ferme de Muleshoe (Texas). photo ALLISON TERRY/NYT

Zoonose. États-Unis : deuxième cas humain de grippe aviaire transmise par une vache

Un deuxième cas de transmission du virus de la grippe aviaire de la vache à l’homme a été identifié mercredi dans le Michigan par les autorités sanitaires américaines. Ces dernières assurent que le risque de pandémie demeure “faible”, en l’absence de transmission d’humain à humain. Mais les scientifiques restent prudents.

La personne infectée dans le Michigan “travaillait en contact direct avec du bétail infecté et n’a eu pour seul symptôme qu’une conjonctivite”, rapporte ABC News. Elle porte à trois le nombre de cas humains de grippe aviaire connus aux États-Unis, ajoute la chaîne américaine.

Le premier cas d’infection par une vache – assorti lui aussi de symptômes aux yeux – avait été signalé le 1er avril dernier au Texas. Le tout premier cas humain aux États-Unis, observé en 2022 dans le Colorado, résultait quant à lui d’une infection par des volailles.

“Depuis 2020, le virus de la grippe aviaire s’est propagé parmi davantage d’espèces animales, notamment chez les chiens, les chats, les mouffettes, les ours et même les phoques et les marsouins, dans de nombreux pays”, remarque NPR.

“Sa détection dans le bétail américain en début d’année était un développement inattendu, qui a suscité des questions sur la sécurité alimentaire et sur son éventuelle propagation aux humains”, ajoute la radio publique américaine.

Dépistage insuffisant

Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) – qui constituent l’agence de santé publique américaine – soulignent que “cette nouvelle infection humaine par la grippe aviaire n’est pas une surprise”, compte tenu de l’ampleur de l’épidémie dans le cheptel bovin, remarque Politico.

Neuf États américains sont aujourd’hui officiellement touchés par l’épidémie, mais leur nombre est probablement largement sous-évalué, faute de dépistage systématique.

“Les responsables fédéraux ont déclaré mercredi que [le nouveau cas d’infection humaine] ne changeait pas leur évaluation selon laquelle le risque pour le grand public restait faible, note The Washington Post. Mais, signe d’une inquiétude croissante, ils ont annoncé de nouvelles incitations financières à destination des producteurs laitiers, afin qu’ils étendent le dépistage sur les bovins, et ont accéléré le calendrier pour produire près de 5 millions de doses de vaccin, au cas où le virus se propagerait davantage parmi les humains.”

Les fermiers “sont réticents à faire tester leurs travailleurs ou leur bétail, par crainte des conséquences financières, souligne The New York Times. Et, sauf circonstances extraordinaires, les autorités fédérales et étatiques ne peuvent pas obliger les agriculteurs ou les ouvriers agricoles à se faire tester.”

Sur le terrain, “les vétérinaires signalent que certains ouvriers agricoles développent des symptômes grippaux, mais peu parmi eux acceptent de se faire dépister pour en déterminer la cause”, poursuit le quotidien américain. Dans le Michigan, par exemple, malgré la mise à disposition de kits de dépistage, le CDC n’a pu tester qu’une “quarantaine de personnes”.

“Le virus se rapproche”

Depuis 2003, “près de 900 personnes dans 24 pays ont été infectées par le virus [de la grippe aviaire] H5N1, la plupart des cas étant liés à une exposition à des volailles infectées, résume le site médical Stat News. En de rares occasions, de petits groupes de cas ont soulevé des questions [sur une éventuelle propagation] d’humain à humain – difficile à prouver lorsque plusieurs personnes ont les mêmes expositions à des animaux infectés.”

À l’heure actuelle, néanmoins, les scientifiques estiment que “le virus devra encore évoluer avant de pouvoir se propager facilement entre les personnes”.

Mais si une pandémie de grippe aviaire chez les humains “n’est pas pour la semaine prochaine ou le mois à venir, le virus se rapproche”, avertit le journaliste scientifique Kai Kupferschmidt.

“La raison pour laquelle nous évitons une pandémie n’est en rien imputable à une réaction appropriée, de notre part, à la situation, déclare-t-il à la BBC. Je pense que c’est uniquement parce que le virus, jusqu’à présent, se débrouille assez mal pour infecter les humains. Donc, d’une certaine manière, nous sommes à la merci de ses capacités de changement.”

Emmanuel Macron s’adresse aux élus locaux à Nouméa, le 23 mai 2024.
Emmanuel Macron s’adresse aux élus locaux à Nouméa, le 23 mai 2024. photo LUDOVIC MARIN/REUTERS

Pendant que vous dormiez. Macron à Nouméa, Nikki Haley, Taïwan et Tunisie : les informations de la nuit

Depuis Nouméa, Macron appelle à un “retour à la paix”. Emmanuel Macron est arrivé jeudi à Nouméa, pour une visite éclair destinée à “apaiser les tensions sur le territoire français du Pacifique, après plus d’une semaine d’émeutes qui ont fait six morts”, écrit The Guardian. À son arrivée à l’aéroport de Nouméa, le président français a assuré que sa “volonté” et celle de son gouvernement étaient “d’être aux côtés de la population pour que, le plus vite possible, ce soit le retour à la paix, au calme, à la sécurité. C’est la priorité des priorités.” Selon son entourage, M. Macron “rencontrera jeudi des responsables et des élus locaux pour une journée d’échanges axés sur la politique et sur la reconstruction du territoire”, précise le titre britannique. “Les troubles ont été déclenchés par la colère des autochtones kanaks face aux changements constitutionnels soutenus par Paris, qui donneraient le droit de vote à des dizaines de milliers de résidents non autochtones”, résume le quotidien. “Les dirigeants locaux craignent que ce changement ne dilue le vote kanak et ne sape les efforts de longue date visant à garantir l’indépendance.”

États-Unis : Nikki Haley votera pour Donald Trump. L’ex-candidate républicaine à la Maison-Blanche, Nikki Haley, a déclaré mercredi qu’elle voterait pour son ex-rival Donald Trump à la présidentielle de novembre prochain. Mme Haley, qui a jeté l’éponge dans la course aux primaires en mars, n’avait pas ménagé le milliardaire durant sa campagne. Mais le président démocrate Joe “Biden est une catastrophe. Je voterai donc pour Trump”, a-t-elle confié au groupe de réflexion conservateur Hudson Institute. “En tant qu’électrice, ma priorité va à un président qui soutiendra nos alliés et demandera des comptes à nos ennemis, qui sécurisera la frontière” et qui “défendra le capitalisme et la liberté”, a-t-elle ajouté. L’ancienne ambassadrice américaine à l’ONU “n’a cependant pas été jusqu’à appeler ses partisans à soutenir Trump”, remarque The Wall Street Journal.

Opérations militaires “punitives” de la Chine autour de Taïwan. La Chine a lancé jeudi matin autour de Taïwan “ses manœuvres militaires les plus importantes depuis un an, quelques jours à peine après l’investiture du nouveau président [taïwanais] Lai Ching-te”, rapporte Bloomberg. Taïwan a déploré les “provocations et actions irrationnelles” de Pékin. Un porte-parole de l’armée chinoise a précisé que ces exercices constituaient une “punition sévère pour les actes séparatistes des forces indépendantistes de Taïwan et un avertissement sévère contre l’ingérence et la provocation des forces extérieures”. Les exercices devraient durer deux jours et sont menés “au nord, au sud et à l’est de l’île”, précise l’agence d’information. On ignore le nombre exact de navires et d’avions mobilisés pour ces manœuvres, mais la Chine n’avait pas lancé d’exercices d’une telle ampleur autour de Taïwan “depuis avril de l’année dernière”, souligne Bloomberg. Pékin considère l’île comme faisant partie de son territoire et n’exclut pas un recours à la force pour assurer son contrôle.

Tunisie : deux journalistes condamnés à un an de prison. Les chroniqueurs Borhen Bsaïes et Mourad Zeghidi, jugés critiques envers le pouvoir tunisien, ont respectivement été condamnés mercredi à un an de prison par un tribunal de Tunis. “Ils ont été reconnus coupables d’utiliser des réseaux et systèmes d’information pour diffuser des informations fausses destinées à diffamer et causer un préjudice matériel et moral à des tiers”, rapporte le site Tunisie numérique. Les deux hommes avaient été interpellés le 11 avril dernier, le même jour que l’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani. Les poursuites avaient été engagées en vertu d’un décret-loi promulgué en 2022 par le président tunisien Kaïs Saïed, visant à lutter contre la diffusion de “fausses nouvelles” – un texte considéré par ses détracteurs comme une arme législative destinée à étouffer la liberté d’expression.

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Dessin de Falco, Cuba.

Reportage. En Pologne, ces femmes d’une région conservatrice qui souhaitent légaliser l’avortement

Alors que le débat sur la libéralisation du droit à l’avortement est officiellement lancé au Parlement polonais, le site d’information “Onet” est allé interroger des femmes de l’est de la Pologne, dans deux petites villes de la rurale Podlasie, région frontalière de la Biélorussie.

Mercredi matin, dans le centre de Suprasl. Ce sont les ouvriers et leurs machines qu’on entend le plus : ils œuvrent à la reconstruction de la grande place de cette ville pittoresque, à une douzaine de kilomètres de la ville de Bialystok [la capitale de Podlasie]. Les clients des magasins de hard discount déambulent au soleil. La plupart ont l’âge de la retraite. Suprasl se réveille, et avec elle ses restaurants.

À l’arrière d’un bar, je remarque une jeune femme. Wiola a 27 ans, elle est infirmière. “L’avortement devrait être disponible dans tous les cas de figure. Malheureusement, nos lois pathétiques nous privent de la capacité de décider par nous-mêmes”, dit celle qui, en raison de sa profession, observe les problèmes des femmes de près. Elle sait aussi que les grands-mères votent, surtout dans les petites villes et villages, et peuvent décider indirectement en lieu et place des jeunes femmes. Wiola ne voit donc aucune solution possible dans un référendum.

Aujourd’hui, Wiola ne discute que rarement avec ses amies de la légalisation de l’avortement, mais elle a bien en tête cette période mouvementée qui a fait suite à l’arrêt du Tribunal constitutionnel supprimant la possibilité d’interrompre une grossesse [en cas de malformation fœtale]. “C’est fou : tu sais que ton enfant est handicapé et tu dois lui donner naissance, et l’État ne t’aide pas.”

“La pilule du lendemain devrait également être disponible, car nous sommes des gens libres.”

Il n’y a encore que des hommes sur les rives piétonnes de la rivière Suprasl. Ils font des tractions, du vélo, quand ils ne courent pas. Je remarque néanmoins Julia sur un banc. Elle est en quatrième année au lycée d’art local et est originaire d’un petit village de la commune de Bransk. Entre deux cours, elle déclare immédiatement soutenir la légalisation de l’avortemen

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Dessin de Lauzan
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À la une de l’hebdo. Élections en Afrique du Sud, crise en Nouvelle-Calédonie, Iran, CPI…

Chaque semaine, “Courrier international” explique ses choix éditoriaux et les débats qu’ils suscitent au sein de la rédaction. Dans ce numéro, nous consacrons notre dossier à l’Afrique du Sud, qui s’apprête à tourner la page de l’ANC, trente ans après la fin de l’apartheid. Mais nous accordons aussi une large place à l’actualité de ces derniers jours : les événements en Nouvelle-Calédonie, la tentative d’assassinat de Robert Fico en Slovaquie, la mort du président iranien et les poursuites de la CPI dans le cadre de la guerre entre Israël et le Hamas.

Faire un journal, c’est être toujours en mouvement. C’est faire des choix éditoriaux, chaque jour, ne pas se laisser emporter par le tourbillon de l’actualité, prioriser, hiérarchiser, arbitrer. Tout n’est jamais d’égale importance, et pourtant parfois tout se télescope. Cette semaine, l’actualité, très forte, nous a ainsi contraints à modifier notre programmation en dernière minute, sans toutefois tout renverser. Nous ne pouvons pas tout raconter au même moment et au même niveau. Plus que jamais, l’hebdomadaire et le site sont complémentaires.

C’est pourquoi nous avons choisi de maintenir notre couverture sur l’Afrique du Sud. Trente ans après la fin de l’apartheid, les premières élections multiraciales et l’arrivée au pouvoir du premier président noir du pays, Nelson Mandela, les Sud-Africains s’apprêtent à tourner la page de l’ANC, qui fut le parti de Mandela – et ce n’est pas rien. C’est un dossier aussi politique que symbolique que nous vous proposons cette semaine. Avec deux reportages majeurs : l’un, signé du Mail & Guardian, à Johannesburg, sur le désenchantement des électeurs noirs ; l’autre, paru dans le quotidien néerlandais NRC, qui raconte les tentations sécessionnistes de la région du Cap.

Il faut dire qu’aujourd’hui l’Afrique du Sud se trouve dans une situation paradoxale : alors que sa voix se fait entendre à nouveau sur la scène internationale, les scandales de corruption, la mauvaise gestion de services publics et l’économie en berne ont terni les couleurs de la nation arc-en-ciel. Une page se tourne et pourtant l’héritage post-apartheid n’est pas tout à fait digéré.

Plus près de nous (parce qu’il s’agit d’un territoire français), il est aussi question d’un héritage mal assumé : la Nouvelle-Calédonie s’embrase à nouveau. Nous y consacrons deux pages. “Partout sur la planète, écrit El Confidencial, la puissance de la France d’outre-mer prend l’eau. Sa domination sur ses anciennes colonies africaines est presque anéantie, et voilà que viennent d’éclater, dans ses territoires du Pacifique sud, des émeutes qui ont contraint Paris à décréter l’état d’urgence.” Pour Javier Brandoli, ces troubles qui couvaient depuis des années “viennent mettre un peu plus en péril l’édifice colonial français dans le Pacifique”. Une analyse qui résume bien le regard de la presse étrangère sur cette crise.

L’autre actualité violente à laquelle nous consacrons une large place, c’est la tentative d’assassinat dont a été victime Robert Fico, le Premier ministre slovaque, le 15 mai. Le pays est sous le choc, et, à trois semaines des élections européennes, la presse étrangère revient largement sur le clivage de la société et la question des violences en politique.

Dans ce numéro encore, nous avions choisi de revenir sur la guerre à Gaza à travers un long décryptage du mouvement de protestation, parti des États-Unis et qui gagne les campus européens. “Tout ce qui est en train de se passer dans les capitales culturelles européennes et américaines en dit au fond plus long sur nous-mêmes que sur le Moyen-Orient”, explique Antonio Polito dans le Corriere della Sera.

Nous maintenons ce focus, mais l’actualité au Moyen-Orient, c’est aussi, ce week-end, la disparition brutale du président iranien tué dans le crash de son hélicoptère. Quelles conséquences pour l’Iran et les Iraniens ? Déjà, les spéculations vont bon train sur la succession, non pas du président, mais du guide suprême, Ali Khamenei, âgé de 85 ans. L’ultraconservateur Ebrahim Raïssi était pressenti. Sa disparition (saluée par une partie des Iraniens) pourrait ouvrir une nouvelle crise du régime.

Enfin, lundi 20 mai, le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, a provoqué une autre onde de choc dans la région, en demandant que soient émis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, son ministre de la défense et trois leaders du Hamas.

Les premières réactions à ces deux actualités sont à retrouver en pages Moyen-Orient. Les analyses et réactions de la presse étrangère seront à suivre dans les prochains jours sur notre site. Une question d‘équilibre et de choix. Bonne lecture du magazine et de notre site.

Une scène du documentaire “Les Filles du Nil”. La troupe Panorama Barsha en pleine représentation, dans une rue de la petite ville égyptienne d’Al-Barsha.
Une scène du documentaire “Les Filles du Nil”. La troupe Panorama Barsha en pleine représentation, dans une rue de la petite ville égyptienne d’Al-Barsha. Photo Dulac Distribution

Festival de Cannes 2024. “Les Filles du Nil”, un surprenant documentaire féministe

Le film des réalisateurs égyptiens Nada Riyadh et Ayman El-Amir est l’une des jolies surprises offertes cette année par la Semaine de la critique. Durant quatre ans, ils ont suivi un groupe d’amies qui montent des spectacles de rue pour défendre leurs droits, dans une ville copte du centre de l’Égypte. Interview.

Présenté à la Semaine de la critique, Les Filles du Nil est “le seul film égyptien” projeté au Festival de Cannes cette année, relève The National, un quotidien émirati. Ses deux réalisateurs, Nada Riyadh et Ayman El-Amir, ont suivi durant quatre ans un groupe d’adolescentes d’Al-Bashra, une petite ville copte du centre de l’Égypte de quelque 15 000 habitants.

Unies par la passion du théâtre, Majda, Haidi, Monika et leurs amies jouent dans la rue de petites saynètes qu’elles ont imaginées, dans lesquelles elles mettent en scène leurs rêves et leurs peurs.

Le résultat est saisissant. “Êtes-vous heureux en ménage ? N’avez-vous pas été mariée trop jeune ? Les femmes n’ont donc aucun droit à l’amour ? Peu de gens osent poser de telles questions dans le centre et le sud de l’Égypte”, très pauvres et conservateurs, explique le magazine américain Variety. Les filles de la troupe féminine Panorama Barsha, issues de la minorité copte, osent interpeller les passants sur ces sujets.

Dans la région, les filles sont promises à un mariage précoce et à une vie de femme au foyer – alors que de plus en plus d’hommes sont obligés, pour des raisons économiques, de partir travailler au loin durant une partie de l’année. Les membres de Panorama Barsha, comme beaucoup de filles de leur âge, rêvent d’être danseuses, chanteuses ou metteuses en scène. Elles ont été filmées au sortir de l’adolescence, au moment où la pression sociale commence à s’exercer sur elles pour qu’elles se marient. “Avant tout, Les Filles du Nil suit cette période de transition, alors que les personnages principaux sortent de l’adolescence pour devenir de jeunes femmes” et doivent faire des choix cruciaux pour leur avenir, observe encore The National.

De passage sur la croisette pour défendre leur film, Nada Riyadh et Ayman El-Amir ont répondu aux questions de Courrier international.

COURRIER INTERNATIONAL Comment en êtes-vous venus à vous intéresser à la troupe Panorama Barsha ?

NADA RIYADH En 2016 et 2017, nous avons travaillé avec une association du Caire qui encourage des femmes de régions reculées d’Égypte à se lancer dans la création artistique. Nous avons beaucoup circulé dans le centre et le sud du pays et, un jour, nous sommes tombés sur une représentation de Panorama Barsha : un moment magnifique, une bouffée d’air frais.

À partir de ce jour-là, nous sommes restés en contact avec les filles. En 2018, elles ont voulu voir nos premiers films. Elles nous ont posé plein de questions sur le cinéma, et nous ont demandé de les filmer. Nous avons dit oui.

AYMAN El-AMIR Les voir jouer et interagir avec le public nous a marqués. Leur travail procède d’une urgence vitale. Il fait bouger les choses, même si les réactions des spectateurs ne sont pas toujours gentilles : il y a parfois des insultes, des attaques.

Notre idée initiale était de faire un film sur le théâtre, mais les filles ont commencé à nous présenter leurs parents, leurs familles, leurs fiancés, et notre projet a pris une autre envergure.

Nada Riyadh et Ayman El-Amir, les réalisateurs du documentaire “Les Filles du Nil”.
Nada Riyadh et Ayman El-Amir, les réalisateurs du documentaire “Les Filles du Nil”. Photo Dulac Distribution

Il est surprenant de découvrir une troupe de théâtre féminine dans cette partie de l’Égypte !

AYMAN El-AMIR À ma connaissance, elles sont la seule troupe de théâtre de rue qui ait survécu dans tout le pays [après la répression orchestrée à partir de 2014 par le régime d’Abdel Fattah Al-Sissi].

NADA RIYADH En Égypte comme dans d’autres pays du monde, l’offre culturelle est très limitée en dehors de la capitale. L’histoire des débuts de la troupe est enthousiasmante : les filles ont discuté entre elles de ce qu’elles voulaient faire, et elles ont commencé à jouer dans de petits endroits – qu’elles louaient le cas échéant. Mais personne ne venait les voir, et elles ont donc décidé de se produire dans la rue. Pour moi, cette volonté de partage est l’essence même de l’acte créatif.

AYMAN El-AMIR Il y a une tradition théâtrale dans l’Église copte : des pièces religieuses sont régulièrement données, notamment dans le cadre du catéchisme. Certaines des filles ont découvert le théâtre par ce biais, même si elles ont très vite voulu exprimer des choses personnelles et jouer pour tout le monde.

Il est tout aussi surprenant de les entendre réclamer, en public, le droit de porter des robes, de choisir leur mari ou encore de ne pas avoir d’enfants trop jeunes…

NADA RIYADH Les gens de la capitale, ou ceux qui ont fait des études, ont tendance à penser que pour devenir féministe il faut être en contact avec le mouvement féministe. C’est vrai en partie. Mais quand des femmes se réunissent, peu importe où, une conscience féministe naît naturellement. Les membres de Panorama Barsha n’ont pas lu d’écrits féministes ou intersectionnels, elles n’ont pas les concepts associés. Elles ne savent pas que ce qu’elles font est très féministe, mais c’est pourtant bien le cas !

Comment s’est passé le tournage ?

AYMAN El-AMIR Notre priorité a d’abord été d’établir une relation de confiance avec elles et leurs familles. Nous avions besoin de les connaître, et il fallait qu’elles s’habituent à notre présence et à celle de la caméra. Nous nous sommes fondus dans leur quotidien pour avoir accès à leur intimité, à leurs doutes, à leurs peurs, et pour pouvoir les filmer avec leurs proches et lors de leurs répétitions. Le tournage a été un dialogue incessant avec elles. Majda, Monika, Haidi et les autres membres de la troupe ont été nos collaboratrices, pas seulement des personnages.

NADA RIYADH L’une de leurs attentes en tournant ce film était d’apprendre. Elles voulaient en savoir plus sur la danse, le chant, le cinéma, elles voulaient progresser dans ces disciplines. Donc nous avons aussi monté une série d’ateliers avec elles, qui nous ont permis d’apprendre beaucoup les uns des autres. C’est comme ça que nous avons compris ce qu’elles voulaient, et comment elles voulaient s’exprimer.

Les filles de Panorama Barsha ont grandi devant votre caméra. Certaines se sont mariées, et ont disparu en cours de tournage. Comment avez-vous vécu ces évolutions ?

AYMAN El-AMIR Il a été pour nous très émouvant et cathartique de voir ces filles hésiter, s’interroger sur la vie qu’elles voulaient mener. Nada et moi ne sommes pas, nous non plus, originaires du Caire. Je suis médecin de formation, Nada était ingénieure, et changer de voie pour devenir cinéastes n’a pas été simple.

NADA RIYADH Au fond de nous, nous soutenions ces filles, nous souhaitions de tout cœur qu’elles réalisent leurs rêves. Et donc parfois, cela a été dur de ressentir de la tristesse en les regardant évoluer. Il y a eu des moments difficiles…

AYMAN El-AMIR … et nous ne pouvions pas interférer, ce n’était pas notre rôle, même si nous avions noué des relations très fortes avec elles. Nous étions un peu sur la corde raide.

Majda, la cheffe de la troupe Panorama Barsha, chez elle, dans sa chambre. Elle rêve d’aller étudier le théâtre et la mise en scène au Caire.
Majda, la cheffe de la troupe Panorama Barsha, chez elle, dans sa chambre. Elle rêve d’aller étudier le théâtre et la mise en scène au Caire. Photo Dulac Distribution

Dans une des scènes du film, nous voyons Haidi se faire rudoyer par son fiancé, qui lui arrache son téléphone et exige qu’elle rompe avec ses amies de théâtre. Comment avez-vous pu tourner cette scène ?

AYMAN El-AMIR Nous avons aussi noué une relation étroite avec les hommes du village. Nous avons veillé à ne juger personne, afin que chacun se sente à l’aise devant la caméra et accepte d’être filmé. Par ailleurs, les hommes sont à l’écran comme ils sont dans la vraie vie : ils sont fiers de leur identité, les opinions qu’ils formulent sont les leurs.

Le tournage a duré suffisamment longtemps pour que nous connaissions bien les protagonistes, et que nous soyons en mesure de pressentir ce qui pouvait se produire. Pour la scène à laquelle vous faites allusion : les filles avaient eu une représentation le matin, et nous savions que Haidi devait voir son fiancé dans l’après-midi. Connaissant leur relation, nous savions qu’une telle discussion aurait lieu tôt ou tard. Il fallait juste avoir la patience d’attendre, et être là au bon moment.

Cette scène fonctionne en miroir avec celle qui oppose Haidi à son père, qui s’inquiète de l’influence de son fiancé et tente de la convaincre de ne pas quitter la troupe.

NADA RIYADH Cette scène, nous l’avons filmée à la demande du père de Haidi, il espérait que la présence de la caméra aiderait sa fille à changer d’avis. Il était une personne magnifique, simple, sensée, prévenante – malheureusement, il est mort l’année dernière, et sa disparition a laissé un grand vide.

Nous voulions casser ce stéréotype qui veut que ce soient toujours les hommes qui oppressent les femmes. Les hommes ont eux aussi un rôle à jouer pour briser le cercle du patriarcat.

AYMAN EL-AMIR Les valeurs patriarcales sont parfois transmises, de façon très consciente, par les femmes. Si des hommes sont contraints, pour des raisons économiques, de partir travailler au Caire, en Libye ou dans d’autres pays, cela ne veut pas dire que le patriarcat en ressort affaibli. Certaines femmes veulent que leurs filles se marient tôt et mènent la même vie de femmes au foyer qu’elles.

Votre film sortira-t-il en Égypte ?

NADA RIYADH Nous y travaillons. Nous voudrions déjà organiser des projections dans le centre et le sud du pays, où il n’y a pas de cinémas. Nous voulons notamment montrer le film aux habitants d’Al-Bashra.


Les Filles du Nil, documentaire de Nada Riyadh et Ayman El-Amir, sortira prochainement en France, à une date qui reste à préciser.

Chaque semaine, Courrier international vous propose l’horoscope poétique de Rob Brezsny, un des astrologues les plus atypiques de la planète. Gémeaux est le signe de la semaine.
Chaque semaine, Courrier international vous propose l’horoscope poétique de Rob Brezsny, un des astrologues les plus atypiques de la planète. Gémeaux est le signe de la semaine. Courrier international

Astrologie. L’horoscope de Rob Brezsny pour la semaine du 23 au 29 mai 2024

Chaque semaine, “Courrier international” vous propose l’horoscope poétique de Rob Brezsny, un des astrologues les plus atypiques de la planète. Gémeaux est le signe de la semaine.

Gémeaux (21 mai - 21 juin)

Je n’ai jamais cherché ma vocation, c’est plutôt elle qui m’a trouvé. Il y a bien longtemps, après m’être fait voler mon vélo, je fouillais les petites annonces d’un journal local pour en acheter un autre. Je suis alors tombé sur une offre d’emploi : le journal recrutait un rédacteur spécialisé en astrologie pour remplacer le grand astrologue Robert Cole, qui venait de démissionner. J’ai aussitôt postulé et j’ai été embauché. Depuis lors, je vois en Robert Cole la main imprévisible du destin qui a guidé mes pas. Et depuis quelque temps, lorsque j’étudie ton ciel, Gémeaux, le visage de Robert Cole m’apparaît inexorablement.

Pour consulter les autres signes, c’est ici.