Particularités d' Helicobacter pylori.
Hélicobacter pylori peut être considéré comme le chef de file d’un
nouveau groupe de bactéries appelé superfamille VI de bacilles gram
négatifs.
Les bacilles de la superfamille VI ont en commun un certain nombre
de propriétés :
- Morphologiques : il s’agit de bacilles
incurvés ou spiralés pouvant évoluer vers des formes coccoïdes quand
les conditions du milieu sont défavorables. Ils sont mobiles par
un systéme flagellaire habituellement polaire et, quand on les colore
au gram, ils apparaissent gram négatif.
- Physiologiques :
ces bactéries sont microaérophiles, c’est-à-dire q’elles
ont besoin d’oxygéne pour leur metabolisme mais à une concentration
inférieure à celle présente dans l’air. La concentration
d’oxygéne optimale serait de l’ordre de 3 a 5%.
- Ecologiques : ces bactéries
sont adaptées à la vie dans le mucus du tractus digestif
de l’homme et des animaux.
En plus de ces propriétés générales, hélicobacter
pylori a des propriétés spécifiques qui signent son
adaptation à l’environnement particulier que constitue l’estomac.
Il s’agit de :
L’uréase : cette enzyme existe
en grande quantite chez hélicobacter pylori. En hydrolysant l’uree normalement
présente dans l’estomac en ammoniaque, on admet que la bactérie tamponne
son propre environnement et se protège de l’acidité gastrique.
L’existence de gaines autour des flagelles : cette gaine résiste
à l’acide et va donc protéger la protéine de la flagelle
qui sans cela serait dégradée.
Les propriétés d’adhérence uniques de cette bactérie
qui concernent essentiellement les cellules antrales.
Facteurs de colonisation de hélicobacter pylori.
L’implantation de hélicobacter pylori sur la muqueuse suppose qu’il
puisse y accéder malgré la barrière constituée
par le mucus visqueux et malgré l’acidité gastrique qui tue
la plupart des autres bactéries.
Il a été démontré que la grande mobilité
de h.pylori et sa morphologie spiralée lui permettent de traverser
le mucus beaucoup mieux que les autres bactéries. H.pylori est aussi
sensible que les autres bactéries à l’acidité gastrique;
Cependant, en présence d’urée, il peut rester viable
deux heures dans un milieu à ph 2.
Cette résistance est probablement due à sa puissante
uréase qui, en hydrolysant l’urée normalement présente
dans l’estomac, libère de l’ammoniaque. Celui-ci tamponne l’acidité
du milieu suffisamment longtemps pour permettre à la bactérie
d’atteindre, à travers le mucus, les cellules de la muqueuse, la
où le ph est voisin de la neutralité.
Par quels mécanismes H.pylori est-il
pathogène ?
La présence de h.pylori dans l’estomac s’accompagne toujours
d’un processus inflammatoire. Cette situation pourrait être assimilée
à un état d’équilibre entre agression bactérienne
et défenses naturelles.
Cependant, chez certains sujets, l’inflammation chronique causée
par h.pylori évolue vers une gastrite symptomatique.
Des lésions de la muqueuse sont crées à la fois par la
bactérie et l’inflammation et peuvent évoluer vers des ulcérations
en particulier au niveau où les tissus sont moins organisés, comme
la jonction antre fundus ou sur les zones de métaplasie gastrique
du duodenum.
La maladie ulcéreuse est alors constituée.
Epidémiologie :
Réservoir de h.pylori.
L’écologie de h.pylori comporte encore beaucoup d’inconnus.
Jusqu’à présent, aucun autre réservoir que l’estomac
n’a été clairement identifié.
Dans l’estomac, les facteurs de colonisation de la bactérie
lui permettent de s’implanter et de croître de manière prolongée
sous la couche de mucus, à la surface des cellules épithéliales
de la muqueuse gastrique. Son pouvoir pathogène s’exprime surtout
dans l’antre et les lésions de gastrite y sont plus importantes,
mais la colonisation est aussi fréquente et de même intensité
dans toutes les parties de l’estomac.
On peut retrouver également la colonisation dans des localisations
ectopiques de la muqueuse gastrique: zones de métaplasie
gastrique de l’oesophage, du duodénum, du diverticule de Méckel, voire
du rectum. H.pylori apparaît donc parfaitement adapté a l’estomac humain.
Cependant, on ignore si cette niche écologique constitue la totalité
du reservoir bactérien.
H.pylori a été recherché dans la bouche, dans la
salive, des traces d’ADN ont pu être détectées par amplification
génique (PCR).
Dans la plaque dentaire, la bactérie a aussi pu être isolée
par culture chez un sujet atteint de gastrite a H.pylori.
Il reste par ailleurs à déterminer si l’eventuel réservoir
buccal est primaire, ou s’il n’est q’une extension secondaire du réservoir
gastrique, disparaissant avec lui quand celui-ci est traité, voir
un réservoir transitoire.
En conclusion, le réservoir de
h.pylori est constitué essentiellement par l’estomac humain. Il reste à
préciser l’importance de la bouche comme hypothétique réservoir
secondaire.
Quels sont les voies d’excrétion de h.pylori
chez les sujets infectés ?
Il semble que l’infection gastrique a H.pylori s’accompagne d’une excrétion
dans le milieu extérieur de bactéries conservant leur viabilite. La
part relative de la salive et des selles dans cette excrétion ainsi
que ses conséquences épidémiologiques sont encore mal comprises.
Peut-on contaminer les malades par H.pylori
lors d’une gastroscopie ?
- Le risque de transmission de H.pylori est un des motifs de désinfection
du materiel endoscopique entre 2 examens.
- La survenue quelques jours aprés une gastroscopie d’un syndrome
dyspeptique aigu doit faire suspecter une gastrite aigue à H.pylori.
- Le risque de l’endoscopie ne touche pas uniquement les patients mais
également les endoscopistes, et le taux d’infection par H.pylori
de ceux-ci est supérieur à celui d’une population témoin.
- Le port de gants lors des gastroscopies apparaît donc recommandé,
du moins par les plus jeunes, non encore infectés !
Pathologie :
Comment expliquer que H.pylori puisse être
à l’origine de différentes maladies gasto-duodénales ?
Les maladies gastro-duodénales associées à l’infection
à H.pylori sont l’ulcère duodenal, l’ulcère gastrique,
la dyspepsie non ulcéreuse, le cancer et le lymphome gastrique.
L’évolution de l’infection a H.pylori s’étend généralement
sur plusieurs années.
Chez la plupart des individus, la gastrite chronique évolue
sans autre conséquence et reste asymptomatique.
Une proportion plus faible de patients développe une maladie
ulcéreuse duodénale avec, comme principaux facteurs, l’infection
de la métaplasie gastrique présente dans le duodénum entraînant
une duodénite chronique active qui fragilise la muqueuse, et l’augmentation
de la libération de gastrine antrale provoquée par la gastrite infectieuse.
Une minorité de patients serait exposée à un risque d’ulcère
gastrique chronique du fait de l’extension de la gastrite et de la diminution
de la résistance muqueuse à la sécrétion acido-peptique.
Une proportion très faible de cas réunirait les conditions propres à la
mutagénèse pouvant déboucher sur l’apparition d’un cancer
ou d’un lymphome gastrique.
Comment expliquer que H.pylori présent
essentiellement dans l’estomac peut être à l’origine d’une
maladie duodénale ?
La possibilité d’une action directe de H.pylori au niveau de
la muqueuse duodénale par le biais d’une colonisation du tissu gastrique
métaplasique presque toujours observé au niveau du duodénum
en cas de maladie ulcéreuse duodénale représente 90 %
des cas. Cette métaplasie gastrique duodénale ( essentiellement
bulbaire ) est ainsi apparue comme un site potentiel pour la colonisation
duodénale par des H.pylori d’origine gastrique, constituant l’un
des points d’impact du micro-organisme dans le processus d’ulcérogenèse.
Quelles sont les conséquences de l’infection
a H.pylori sur la sécrétion gastrique acide ?
Les liens entre H.pylori et sécrétion d'acide gastrique
chez l’ulcéreux duodénal sont incomplètement élucidés. Une
augmentation de la réponse gastrinique au repas apparaît bien documentée,
alors que la conséquence potentielle de celle-ci ( hypersécrétion
gastrique acide surtout après stimulation) n’est pas actuellement
établie.
Compte tenu de l’effet direct de la gastrine sur la sécrétion
acide et de son effet indirect, seules des études prospectives longitudinales
permettront de préciser la contribution de H.pylori aux anomalies sécrétoires
observées chez l’ulcéreux duodénal.
Diagnostic.
Diagnostic indirect :
La sérologie est le plus ancien des tests indirects disponibles.
Il est connu depuis longtemps que l’infection à H.pylori se traduit
presque constamment par une réponse sérique de type Igg.
Cependant, la signification d’une sérologie positive est ambigue : elle
témoigne d’un contact ancien ou récent du sujet avec H.pylori mais
ne permet pas d’affirmer la présence de l’infection au moment ou
l’on voit le malade.
Le test respiratoire a l’urée marquée au C13 est actuellement
la méthode de référence pour la recherche indirecte
de H.pylori.
Son principe est simple :
On fait ingérer au malade une quantité donnée
d’urée marquée en C13. Le contenu de l’air expiré en CO2 marqué
au C13 est déterminé par spéctrométrie de masse avant
et aprés ingestion de l’urée.
En cas de présence de H.pylori dans l’estomac, il existe une
forte activité uréasique qui libère de l’ammoniaque
et du CO2 à partir de la molécule d’urée. Les obstacles
à la diffusion de cette technique sont le coût et la complexité
de l’appareillage.
Diagnostic direct.
Histologie
Il apparaît que l’étude histologique de biopsies gastriques est une
bonne méthode de diagnostic de H.pylori. Les impératifs techniques
qui optimisent le diagnostic sont simples :
- Si possible, examen d’au moins 2 biopsies antrales,
- Fixation relativement courte ( le formol donne les meilleurs resultats ),
- Coloration standard hématéine-éosine
CLO test
L’uréase test est constitué d’un gel d’agar contenant
de l’urée, du rouge de phénol comme indicateur de ph, des
tampons et d’un agent bactériostatique,
le tout étant déposé dans une petite cupule de
plastique. La biopsie gastrique est déposée dans le gel qui
a une coloration jaune.
En cas de présence de H.pylori sur le fragment biopsique, l’activité
uréasique a pour conséquence la production d’ammonium et
de bicarbonate à partir de l’urée.
Cette réaction vire au rouge à une température
comprise entre 30 et 40 c.
Les avantages du test se résument en simple, rapide et peu couteux.
Il a l’énorme avantage de permettre à la suite de l’examen
une prescription médicamenteuse adaptée.
Thérapeutique.
Traiter l’ulcère duodénal comme une maladie infectieuse
est utile si un net bénéfice est obtenu ; ce bénéfice
est certain et il est triple :
- L’éradication de h.pylori augmente le taux de cicatrisation
- Elle permet une diminution spectaculaire du taux de récidives
ulcéreuses
- Elle doit être tentée chez les patients présentant
un ulcère duodénal résistant aux antisécrétoires.
Dans quelles maladies faut-il eradiquer H.pylori ?
Aprés cicatrisation, l’ulcère duodénal récidive habituellement
dans 60 a 80% des cas dans l’année qui suit l’arrêt du traitement. Ce taux
descend a 3 a 5% chez les patients qui restent éradiqués un an après
la fin du traitement. L’éradication de H.pylori permet donc de modifier
l’histoire naturelle de la maladie ulcéreuse duodénale; c’est
une alternative de choix au traitement d’entretien habituel qui vise à
prévenir les récidives.
Dans l’ulcère gastrique qui est associé à H.pylori
dans 70% des cas, le taux de récidive est diminué de façon
significative après éradication de la bactérie.
Dans la dyspepsie non ulcéreuse, H.pylori ne peut pas être
tenu responsable des troubles dyspeptiques. La découverte de H.pylori
chez un sujet dyspeptique ne doit donc pas être une indication du
traitement visant à éradiquer la bactérie.
La relation de causalité entre H.pylori et cancer gastrique n’est pas
actuellement suffisamment établie pour que toute découverte de H.pylori,
chez un sujet jeune, nécessite qu’il soit éradiqué dans le but de prévenir
un éventuel cancer gastrique.
Y a-t-il un traitement optimal pour éradiquer
H.pylori ?
Il n’y a pas de traitement optimal pour éradiquer H.pylori, mais
un traitement de référence défini lors du congrés mondial
de Sydney en 1990 : il s’agit d’une triple thérapie associant un
sel de bismuth à 2 antibiotiques, tétracycline ou amoxycilline d’une part,
métronidazole ou tinidazole d’autre part. Avec cette association, l’éradication
est obtenue dans 80% des cas.
Cette triple thérapie voit son éfficacité limitée
par :
- La résistance des souches de H.pylori aux antibiotiques de
la famille des imidazoles.
- Les effets secondaires sont fréquents atteignant 25 a 30 %.
Le développement des bithérapies :
Il est logique d’espérer un taux proche de 80% en utilisant une dose
de 40 mg d’oméprazole en 2 prises avec 2 ou 3 g d’amoxycilline pendant
14 j.
De plus, avec le progrés des triples thérapies, l’association
amoxycilline-oméprazole-clarithromycine permet d’obtenir un taux d’éradication
supérieur a 90%.
En 1997, le traitement optimal est l’administration pendant 7 j d’un
antisecrétoire, de l’amoxycilline : 2 g, de la clarithromycine : 1,5 g ou de
la roxithromycine : 300 mg.
Y a-t-il intérêt a éradiquer
H.pylori dans l’entourage d’un patient ?
Le taux de récidive de l’infection est de 10 % pendant les 12
premiers mois puis trés bas les années suivantes.
Pour un adulte éradiqué vivant dans des conditions socio-économiques
standards avec un entourage supposé H.pylori positifs, le risque de recontamination
nous apparaît trés bas, inférieur à 1% par an.
La réponse à la question est : non.
Ou en est le vaccin anti H.pylori ?
Une approche vaccinale doit donc viser a prévenir les populations
non infectées d’une colonisation initiale par la bactérie
et, compte tenu de nos connaissances épidémiologiques actuelles,
doit cibler une population pédiatrique.
Un vaccin devrait donc être facilement administrable chez l’enfant
et permettre l’induction d’une immunité muqueuse de long terme, donc induire
une réponse humorale et cellulaire.
Au cours de l’année 1996, la firme oravax a montré que
l’uréase purifiée de H.pylori ainsi que l’apoenzyme-uréase
recombinante administrée par voie orale avec de la toxine cholérique induisaient
une protection chez 70% des animaux soumis à une colonisation par
H.felis ; la protection était induite à long terme.
Perspectives.
De nombreuses équipes travaillent actuellement à l’identification
d’autres antigènes protecteurs mais aussi d’adjuvants des muqueuses
non toxiques puisque, à l’heure actuelle, tous les essais expérimentaux
ont été réalisés avec la toxine cholérique,
et qu’il est bien sur exclu de l’utiliser dans une formulation définitive
à usage humain.
coproweb@free.fr
Index de la page.
|